Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/241

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tou[1] fait aux réformateurs et aux réformables. Il ne faut pas que, dans la place où vous êtes, vous vous mêliez de pareilles affaires. Les chers frères ont la force des lions quand ils écrivent ; mais il faut qu’ils aient la prudence des serpents[2] quand ils agissent.

J’ai lu enfin le mandement de l’archevêque de Paris[3] ; je vous avoue qu’il m’a paru modéré et raisonnable. Ôtez le nom de jésuite, il n’y aurait rien à répliquer ; mais il n’y a pas moyen d’avoir raison quand on soutient une société qui avait trouvé le secret, malgré sa politique, de déplaire à la nation depuis deux cents ans.

Est-il vrai qu’une jeune actrice[4] a débuté avec succès dans les rôles ingénus ? Je m’intéresse beaucoup plus à une nouvelle actrice qu’à un nouveau prédicateur. J’aime le tripot, et je veux que les Welches aient du plaisir.

Dès que j’ai un moment de relâche à mes maux, je songe à porter les derniers coups à l’Inf…[5] ; mais les frères sont dispersés, désunis, et j’ai peur d’être comme le vieux Priam :


· · · · · · · · · · Telum imbelle sine ictu.

(Virg.,. Éneid., lib. ii, v. 541.)


La lettre de M. Daumart est à peu près de même[6] ; l’archevêque d’Auch en rit ; il a cinquante mille écus de rente.

  1. Daumart n’était pas neveu, mais arrière-cousin maternel, de Voltaire ; sa lettre forme une des notes de la présente lettre.
  2. Matthieu, x, 16.
  3. Voyez page 66.
  4. Le Mercure et l’Almanach des spectacles ne parlent d’aucun début d’actrice au Théâtre-Français en mai 1764.
  5. Dans la Philosophie de l’histoire, ouvrage qui fut publié en 1765.
  6. Voici la copie de cette lettre de M. Daumart à M. l’archevêque d’Auch, telle qu’elle est donnée dans l’édition de Kehl :

    « À Ferney, 29 mai.

    « Permettez, monseigneur, qu’un gentilhomme s’adresse à vous pour une chose qui vous regarde et qui me touche.

    « Affligé depuis quatre ans d’une maladie incurable, j’ai été recueilli dans un château de M. de Voltaire, sur les confins de la Bourgogne ; il me tient lieu de père, ainsi qu’à la nièce du grand Corneille. Je lui dois tout : vous m’avouerez que j’ai dû être surpris et blessé quand on m’a dit que vous aviez traité, dans un mandement, mon bienfaiteur d’auteur mercenaire et d’homme dont les sentiments erronés avaient disposé la nation à chasser les jésuites. Quant à l’épithète de mercenaire, daignez vous informer de votre neveu, M. de Billat, s’il lui a prêté de l’argent en mercenaire ; et quant aux jésuites, informez-vous aussi s’il n’a pas reçu et s’il n’entretient pas chez lui le Père Adam, jésuite, qui a professé vingt ans la rhétorique à Dijon ; informez-vous si, dans ses terres, il n’a pas mis tous les