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Adieu, mon cher frère ; je vous aime tous les jours davantage ; vous êtes ma consolation, et vous m’engagez à être plus que jamais… Ècr. l’inf…


5664. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
Aux Délices, 4 juin.

J’écris avec grand plaisir, madame, quand j’ai un sujet. Écrire vaguement et sans avoir rien à dire, c’est mâcher à vide, c’est parler pour parler ; et les deux correspondants s’ennuient mutuellement, et cessent bientôt de s’écrire.

Nous avons un grand sujet à traiter : il s’agit de bonheur, ou du moins d’être le moins malheureux qu’on peut dans ce monde. Je ne saurais souffrir que vous me disiez que plus on pense, plus on est malheureux. Cela est vrai pour les gens qui pensent mal ; je ne dis pas pour ceux qui pensent mal de leur prochain, cela est quelquefois très-amusant ; je dis pour ceux qui pensent tout de travers : ceux-là sont à plaindre sans doute, parce qu’ils ont une maladie de l’âme, et que toute maladie est un état triste.

Mais vous, dont l’âme se porte le mieux du monde, sentez, s’il vous plaît, ce que vous devez à la nature. N’est-ce donc rien d’être guéri des malheureux préjugés qui mettent à la chaîne la plupart des hommes, et surtout des femmes ? de ne pas mettre son âme entre les mains d’un charlatan ? de ne pas déshonorer son être par des terreurs et des superstitions indignes de tout être pensant ? d’être dans une indépendance qui vous délivre de la nécessité d’être hypocrite ? de n’avoir de cour à faire à personne, et d’ouvrir librement votre âme à vos amis ?

Voilà pourtant votre état. Vous vous trompez vous-même quand vous dites que vous voudriez vous borner à végéter : c’est

    paysans à leur aise par ses bienfaits. Quand vous serez instruit, je m’assure que vous saurez un peu de mauvais gré à celui qui vous a donné de si faux mémoires, et qui a si indignement abusé de votre nom. La religion et la probité vous engageront sans doute à réparer sa faute ; et vous sentirez quelque repentir d’avoir outragé ainsi, sans aucun prétexte, une famille qui sert le roi dans les armées et dans les parlements. J’attendrai l’honneur de votre réponse un mois entier. « J’ai l’honneur d’être dans cette espérance, monseigneur, etc.

    « Daumart. »

    — Outre cette lettre (qui, sous le nom de Daumart, pourrait bien être de Voltaire), il parut, deux ans plus tard, une Lettre pastorale à monsieur l’archevêque d’Auch, qui est du patriarche de Ferney ; voyez tome XXV, page 469.