Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces productions terrestres que les savants s’obstinent à faire venir de la mer des Indes. Nous avons des cornes d’ammon, de cent livres et de deux grains. Je n’ai jamais imaginé que de petites pierres plates et dentelées fussent des langues de chiens marins, ni que tous ces chiens de mer soient venus déposer quatre ou cinq mille langues sur les Alpes. Il y a longtemps que je suis obligé de renoncer à toutes ces observations, qui demandent de bons yeux. Les miens sont dans un triste état, et ne me permettent pas même de vous assurer, de ma main, avec quels sentiments d’une estime respectueuse j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.


5672. — À M.  DAMILAVILLE.
Aux Délices, 13 juin.

Je serais curieux, mon cher frère, d’avoir un exemplaire du Supplément aux Welches[1] et je l’attends de vos bontés.

Cromwell[2] a-t-il subjugué les esprits à Paris comme en Angleterre ? a-t-il été un sublime fanatique, un respectable hypocrite, un grand homme abominable ? Campistron l’aurait fait tendrement amoureux de la femme du major-général Lambert.

Vous sentez, mon cher frère, combien la cassation de l’arrêt toulousain me ranime. Voilà des juges fanatiques confondus, et l’innocence publiquement reconnue. Mais que peut-on faire davantage ? pourra-t-on obtenir des dépens, dommages et intérêts ? pourra-t-on prendre le sieur David à partie ? Je vois qu’il est beaucoup plus aisé de rouer un innocent que de lui faire réparation.

Dites-moi, je vous prie, si la Gazette littéraire prend un peu de faveur. Il me semble que cette entreprise pourrait un peu nuire au commerce de maître Aliboron, dit Fréron. Je suis enfoncé à présent dans des recherches pédantesques de l’antiquité[3] Tout ce que je découvre dépose furieusement contre l’inf… Ah ! si les frères étaient réunis !

Je ne sais, mon cher frère, si vous avez donné un Corneille commenté à maître Cicéron de Beaumont[4] ; il doit en avoir un

  1. Supplément du Discours aux Welches, tome XXV, page 249.
  2. Voyez la note 2 de la page précédente.
  3. La Philosophie de l’Histoire, ouvrage publié en 1765, et qui, depuis 1769, forme l’Introduction à l’Essai sur les Mœurs.
  4. Ce n’est pas l’archevêque Christophe de Beaumont, mais l’avocat Élie de Beaumont. La lettre dont Voltaire parle ici est perdue.