Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/295

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l’épître dédicatoire qui est au devant de Théodore[1] : vous y verrez que je mérite, aussi bien que M. Huerne, les censures de maître Le Dain[2] ; mais vous y verrez en même temps que les papes et leurs confesseurs approuvent un art que vous avez rendu respectable par vos talents et par votre mérite. J’ai passé ma vie à combattre en faveur de votre cause, et je suis presque le seul qui ait eu ce courage. Si les acteurs qui ont du talent avaient assez de fermeté pour déclarer qu’ils cesseront de servir un public ingrat, tant qu’on cessera de leur rendre les droits qui leur appartiennent, on serait bien obligé alors de réparer une si cruelle injustice. Il y a longtemps que je l’ai proposé ; mes conseils ont été aussi inutiles que mes services.

Je ne sais comment les imprimeurs allemands ont imprimé, dans les Horaces, situation plus haute au lieu de situation plus touchante[3] : mais ce sont des Allemands, et les Français ne seront que des Welches tant qu’ils s’obstineront à vouloir flétrir le seul art qui leur fasse honneur dans l’Europe. Médiocres et faibles imitateurs presque dans tous les genres, ils n’excellent qu’au théâtre, et ils veulent le déshonorer.

J’ai un assez joli théâtre à Ferney ; mais je vais le faire abattre, si vous n’êtes pas assez philosophe pour y venir. Vous seule m’avez quelquefois fait regretter Paris. Comptez que personne ne vous honore autant que votre, etc.


5723. — À M.  DUPUY[4].
secrétaire perpétuel de l’académie des inscriptions et belles-lettres.
À Ferney, 24 juillet.

L’homme que vous ne connaissez point, monsieur, et que je ne connaissais pas, est venu chez moi un jour que j’avais beaucoup de monde et que j’étais fort malade. Nous avons dîné ensemble, Il paraît avoir des connaissances et du mérite ; il m’a communiqué ses projets ; et tout cela fait que je le plains beaucoup. Je

  1. Voyez tome XXXI, page 519.
  2. Voyez tome XXIV, page 239.
  3. Voyez tome XXXI, page 291, où, par inadvertance, on a conservé plus haute au lieu de plus touchante.
  4. La suscription de la lettre porte : À M. Dupuis, etc. Mais Voltaire ne se piquait pas d’exactitude en écrivant les noms propres. Louis Dupuy, né dans le Bugey en novembre 1709, est mort à Paris le 23 germinal de l’an III (12 avril 1795).