Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/32

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duc de Praslin m’ayant fait part de cette résolution du roi et de la lettre qu’il écrivait à monsieur le premier président, j’eus l’honneur d’écrire à ce magistrat pour lui demander sa protection. J’en use de même avec vous, monsieur. Je sens bien que le parlement pourrait faire des difficultés sur la lettre de M. le duc de Praslin, qu’on peut la regarder comme n’étant pas dans les règles ordinaires, et qu’alors il faudrait obtenir un arrêt du conseil en forme. Mais, monsieur, cette affaire étant de pure conciliation, ne puis-je pas me flatter qu’en voulant bien vous joindre à monsieur le premier président on imposera silence à mon curé, et l’on nous épargnera les longueurs et les frais d’un procès au conseil du roi. Vous rendriez en cela la plus exacte justice. Ce prêtre jouit de plus de douze cents livres de rente, et demande encore la dîme à laquelle ses prédécesseurs ont renoncé, et pour laquelle ils ont transigé : il veut plaider au parlement, parce qu’il dit que le parlement ne connaît point les traités, et ne juge que sur le droit commun. S’il avait la dîme, la terre de Ferney lui vaudrait plus qu’au seigneur. Il joint à ses procédures le procédé d’un ingrat. Nous l’avons accablé de bienfaits, et il s’arme aujourd’hui de nos bienfaits contre nous-mêmes.

Voilà, monsieur, sur quoi je réclame vos bontés : j’ajouterai que cette affaire regarde M. le président de Brosses autant que moi, car si je perdais ma dîme il perdrait aussi celle de la terre de Tournay, qu’il m’a vendue à vie. Je vous supplie de vouloir bien me dire ce qu’il faut que je fasse dans cette conjoncture délicate ; permettez-moi de m’en rapporter à vos lumières et à votre bienveillance.

J’ai l’honneur d’être, avec respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

5444. — À M.  LE MARQUIS DE CHAUVELIN.
À Ferney, 3 novembre.

J’avais donc bien deviné, et Vos deux Excellences doivent être fort contentes. Je me réjouis d’un bonheur que je ne connais qu’en idée : c’est à de vieux laboureurs comme moi qu’il faudrait des enfants ; un ambassadeur n’en a pas tant besoin. Ne pouvant en avoir par moi-même, j’en fais faire par d’autres ; Mlle  Corneille, que j’ai mariée, va me rendre ce petit service, et me fera grand-père dans quelques mois.