Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui ai donné votre mémoire, « Vos anges, m’a-t-il dit, ne sont pas des sots ; » et sur-le-champ il s’est mis à refaire ce que je vous envoie, et ce que je vous supplie de me renvoyer enrichi de vos observations. Il a changé, en conséquence, le commencement du cinquième acte, et il me charge de mettre ces deux esquisses dans mon paquet. Il est convenu que les discours d’Octave et d’Antoine n’étaient que raisonnables, et ne pouvaient intéresser. « J’avoue, me disait ce jeune homme avec candeur, que tout ce qui ne concerne pas le péril de Pompée et le cœur de Julie doit indisposer les spectateurs. Il faut toujours faire paraître les tyrans le moins qu’on peut. Les malheureux qu’ils oppriment, et ceux qui veulent se venger, ne peuvent trop paraître. J’avais manqué à cette règle, en m’attachant trop à développer le caractère d’Auguste ; mais ce qui est bon dans un livre n’est pas bon dans une tragédie. Ces dissertations d’Octave et d’Antoine étouffaient toute l’action ; elle semble marcher à présent avec rapidité et avec intérêt, grâce aux belles idées des anges. Il ne s’agira plus que de lui donner du coloris. » J’espère que les anges renverront le tout, c’est-à-dire les cinq actes, le nouveau troisième acte, et le nouveau commencement du cinquième ; après quoi le petit jésuite, aidé de leurs lumières, travaillera son aise.

Les anges sont constants dans leur bonne volonté, et ils ont trouvé un petit drôle qui a mis son opiniâtreté à leur obéir.

Si je pouvais parler d’affaires, je remercierais tendrement des bontés qu’on a pour mes dimes[1] ; je ne conçois pas trop comment on peut séparer la cause de Genève de la mienne. Je suis trop occupé de Pompée pour raisonner juste sur les traités faits avec. les Suisses.

Respect, tendresse, reconnaissance.


5762. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
14 septembre.

Divins anges, vous devez avoir reçu des fatras tragiques. Permettez que je vous parle d’un fatras de prose ; c’est un Dictionnaire philosophique portatif, qu’on m’attribue, et que jamais je n’aurais fait. Cela est rempli de vérités hardies que je serais bien fâché d’avoir écrites. M. Marin peut aisément empêcher que

  1. Toujours son procès pour les dîmes ecclésiastiques.