Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/384

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les compliments les plus sincères, ainsi qu’à monsieur votre frère. Vous savez avec quelle tendresse inaltérable je vous suis attaché pour toute ma vie.


5820. — À M.  DUPONT.
Au château de Ferney, 13 novembre.

Je vous fais mon compliment, mon cher ami, sur la place d’adjoint à M. de Bruge, au conseil de M. le duc de Wurtemberg. M. le comte de Montmartin me mande qu’on vous la donne avec grand plaisir. J’aurais bien envie de venir à tâtons vous embrassera Colmar ; ma santé ne me le permet pas, et je me suis donné des chaînes ; je me suis fait une assez nombreuse famille d’adoption ; les Turcs appellent cela les enfants de l’âme. Père Adam, que vous connaissez, est encore un de mes enfants ; comment transporter tant de monde ? Ce serait trop d’embarras pour un aveugle. Vous savez que Tobie envoya son fils chez Gabélus[1], et que le bonhomme resta chez lui.

Je crois vous avoir déjà mandé que les neiges me rendent aveugle quatre ou cinq mois de l’année dans le plus beau lieu de la nature. M. le duc de Wurtemberg a la bonté de m’accorder le château de Montbéliard ; je pourrais y aller passer les hivers avec tout mon train ; mais j’ai bien peur de trouver des neiges partout. Je voudrais savoir ce que c’est que ce Montbéliard ; vous savez combien il me plairait, puisqu’il n’est pas loin de Colmar. Vous pouvez aisément vous informer de tout ce qui concerne cette habitation ; M. Jean Maire pourrait vous dire s’il n’y a point quelque autre demeure dans le voisinage, où je serais commodément ; il me faut bien peu de chose pour moi, mais il en faut beaucoup pour tout ce qui m’entoure. Je suis honteux de ne pouvoir marcher qu’avec vingt-cinq ou trente personnes. Je puis faciliter mes transmigrations par une nouvelle négociation entamée avec M. le duc de Wurtemberg ; elle se consommera dans les premiers jours de janvier au plus tard, et nous pourrons faire ce nouveau contrat dans peu de temps, comme nous avons fait le premier ; je trouve ces emplacements très-convenables et très-sûrs.

Tâchez, je vous prie, mon cher ami, de savoir de M. Jean Maire s’il loge quelqu’un dans le château de Montbéliard, et si je l’aurais tout entier à ma disposition.

  1. Tobie. chap. iv.