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industrie, et leurs familles, pour peu que le gouvernement voulût avoir pour eux la même indulgence seulement que les catholiques obtiennent en Angleterre. Mais en France on entend toujours raison bien tard.

J’enverrai incessamment les Remarques sur l’Histoire générale à ce M. Hume[1], cousin de cet autre Hume, charmant auteur de l’Écossaise. Ce Hume me plaît d’autant plus qu’il a été qualifié d’athée dans le Journal encyclopédique. Je sens bien, mes anges, qu’il faut qu’un Français fasse les avances avec un Anglais ; ces messieurs doivent être fiers. Je ne fonde pas leur orgueil sur ce qu’ils nous ont pris le Canada, la Guadeloupe, Pondichéry. Gorée, et qu’avec environ dix mille hommes ils ont rendu les efforts des maisons d’Autriche et de Bourbon impuissants ; mais sur ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent, et qu’ils l’impriment. Il est vrai que j’agis à peu près avec la même liberté qu’un Anglais, mais je ne fais qu’usurper le droit qu’ils ont, et partant je leur dois toute sorte de respect.

Permettez, mes anges, que je fourre ici pour frère Damilaville un paquet dans lequel il n’y a point de méprise.

Je me mets plus que jamais à l’ombre de vos ailes.

N. B. Il est bien vrai qu’on critiqua autrefois


Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains ;

(Mithridate, acte V, scène v.)


mais il est encore plus vrai que ce vers est admirable.


5457. — À M. DAMILAVILLE.
16 novembre.

Cette petite plaisanterie[2] est trop peu de chose, et a été faite trop à la hâte. Une bonne âme prépare un ouvrage plus étendu, plus salé, et plus utile[3] ; on doit servir la bonne cause et la patrie tant qu’on respire. Je m’unis, dans ces sentiments, à mon cher frère et à tous les frères.

Il n’est pas mal que l’ennuyant et ignorant méchant homme, auteur d’un mauvais livre, reçoive la lettre ci-jointe en attendant mieux ; il verra du moins qu’il n’a pas affaire à des ingrats.

  1. David Hume.
  2. L’Instruction de l’humble évêque d’Alétopolis, tome XXV, page 1.
  3. La première Lettre d’un Quaker ; voyez tome XX, page 5.