Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quatre exemplaires de ce cher Julien l’apostat[1], pour vous en faire parvenir un par la voie que vous m’avez ordonnée.

Vous croyez bien que j’ai reçu de mon mieux l’ambassadeur de Mme  d’Egmont. Je vois que votre voyage dans mon pays des neiges est assez éloigné encore ; mais si jamais Mme  d’Egmont veut passer le mont Cenis et aller à Naples, je me ferai prêtre pour l’accompagner en qualité de son aumônier Poussatin[2].

Je suis honteux de mourir sans avoir vu le tombeau de Virgile, la ville souterraine, Saint-Pierre de Rome, et les facéties papales.

Je me mets aux pieds de mon héros avec une extrême colère, un profond respect, et un attachement sans bornes.


5850. — À M.  D’ALEMBERT.
19 décembre.

Mon cher philosophe, à la réception de votre billet, j’écris à Gabriel Cramer, et je lui remontre son devoir. Il aurait dû commencer par envoyer des exemplaires à l’Académie. Je ne me suis mêlé en aucune manière du temporel : j’ai eu beaucoup de peine avec le spirituel, et je me repentirai toute ma vie d’avoir été trop indulgent. Je respecte fort Pierre Corneille, j’aime sa nièce ; mais je suis pour ses tragédies ce que Lacouture était pour les sermons : il disait qu’il n’aimait pas le brailler, et qu’il n’entendait pas le raisonner.

J’attends certains papiers[3] dont vous ne me parlez pas, et dont je vous rendrai bon compte quand ils me seront parvenus. On gardera le secret comme chez des initiés et des conjurés.

Je crois que les malins et les gens à réquisitoires sont trop occupés de finances pour brûler de la philosophie : c’était, comme je vous l’avais dit[4], cet honnête abbé d’Étrée qui avait été le premier délateur. Vous savez qu’il est généalogiste ; c’est une belle science, et dans laquelle on met souvent du génie. Il était à la campagne, en qualité de généalogiste et de polisson, chez M. de La Pioche-Aymon, dont la terre touche à celle du procureur général.

C’est là qu’il fit sa belle manœuvre. Il a un petit bénéfice auprès de Ferney ; il vint se faire recevoir prieur, il y a un an.

  1. La Défense du paganisme par l’empereur Julien traduiy par le marquis d’Argens) ; voyez tome XXV, page 178.
  2. Personnage des Mémoires de Grammont.
  3. Le manuscrit de l’ouvrage de d’Alembert : Sur la Destruction des jésuites.
  4. Dans le N. B. de la lettre 5793.