Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/491

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je ne vous connaisse que par lettres. Je vous assure que, si je pouvais m’échapper, je viendrais faire une petite course à Paris incognito, souper trois ou quatre fois avec vous et les plus discrets des gens de bien, et m’en retourner content.

J’ai vu quelques échantillons de la pièce dont vous me parlez[1]. Apparemment que l’on n’a pas choisi ce qu’il y a de meilleur, et que le nouvelliste n’est pas l’intime ami de l’auteur. Je m’intéresse fort à son succès : c’est un homme de mérite, et qui n’est pas à son aise.

Le Destruction doit arriver bientôt : faites bien mes compliments, je vous prie, au destructeur, et encouragez-le à détruire. On m’a parlé d’un manuscrit de feu l’abbé Bazin, intitulé la Philosophie de l’Histoire, dans lequel l’auteur prouve que les Égyptiens, et surtout les Juifs, sont un peuple très-nouveau. On dit qu’il y a des recherches très-curieuses dans cet ouvrage. Je crois qu’on achève actuellement de l’imprimer en Hollande, et que j’en aurai bientôt quelques exemplaires. Je vous prépare une petite cargaison pour le mois de mai.

J’ai quelque espérance dans l’Histoire de la Destruction des jésuites : mais on n’a coupé qu’une tête de l’hydre. Je lève les yeux au ciel, et je crie : Écr. l’inf…


5932. — À M. BORDES[2].
À Ferney, 4 mars.

Ah ! monsieur, vous voyez bien que Jean-Jacques ressemble à un philosophe comme un singe ressemble à l’homme ; il me paraît que ses livres et lui ont été reconnus sous le masque. On est revenu de ses sophismes, et sa personne est en horreur à tous les honnêtes gens qui ont approfondi son caractère. Quel philosophe qu’un brouillon et qu’un délateur ! Comment a-t-on pu imaginer que les Corses lui avaient écrit ? Je vous assure qu’il n’en est rien[3] ; il ne lui manquait que ce nouveau ridicule. Abandonnons ce malheureux à son opprobre. Les philosophes ne le comptent point parmi leurs frères.

Vous voyez bien que j’ai eu raison de détruire mon théâtre, puisque je n’ai point votre comédie. Je fais bâtir des chambres au lieu de loges. Ne serai-je jamais assez heureux pour vous en

  1. Le Siège de Calais.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Voltaire se trompe. Buttafuoco lui avait écrit.