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5498. — À M. BERTRAND.
Ferney, 30 décembre.

Mon cher philosophe, tandis que le Traité de la Tolérance trouve grâce devant les catholiques, je serais très-affligé qu’il pût déplaire à ceux mêmes en faveur desquels il a été composé. Il y aurait, ce me semble, peu de raison et beaucoup d’ingratitude à eux de s’élever contre un factum fait uniquement en leur faveur. Je ne connais point l’auteur de ce livre ; mais j’apprends de tous côtés qu’il réussit beaucoup, et qu’on a même remis entre les mains des ministres d’État un mémoire qu’ils ont demandé pour examiner ce qu’on pourrait faire pour donner un peu plus de liberté aux protestants de France.

J’ai cherché dans ce livre s’il y a quelques passages contre les révélations : non-seulement je n’en ai trouvé aucun, mais j’y ai vu le plus profond respect pour les choses mêmes dont le texte pourrait révolter ceux qui ne se servent que de leur raison. Si ce texte, mal entendu peut-être par ceux qui n’en croient que leurs lumières, et à qui la foi manque, inspire malheureusement quelque indifférence, cette indifférence peut produire du moins un très-grand bien, car on se lasse de persécuter pour des choses dont on ne se soucie point, et l’indifférence amène la paix.

Je crois qu’on a envoyé un exemplaire de cet ouvrage à M. de Correvon[1] qui l’avait demandé plusieurs fois. Il y a longtemps que je n’ai eu de ses nouvelles. Vous me ferez le plaisir de lui dire que cet ouvrage a fait la plus grande impression dans l’esprit de nos ministres d’État, qui l’ont lu.

J’espère d’ailleurs que nous viendrons à bout de notre jésuite intolérant, qui ne veut pas qu’un huguenot réussisse dans une demande très-naturelle et raisonnable à un prince catholique.


5499. — À MM. LES COMÉDIENS FRANÇAIS[2].
Au château de Ferney, 30 décembre.

Je suis aussi sensible au mérite de messieurs et de mesdames les pensionnaires du roi et aux témoignages de leur bienveil-

  1. Voyez la note, tome XXXIX, page 14.
  2. Éditeur, M. P. Régnier, ex-sociétaire de la Comédie-Française.