Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/98

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solution du problème que vous me proposez sur le calcul des probabilités. Et, pour vous le rendre en termes algébriques, je vous dirai, aussi éloquemment que l’abbé Trublet pourrait le faire, que la haine étant plus forte que l’amour, est a fortiori plus forte que l’indifférence ; et voilà ce qui fait que votre fille est muette[1].

Si je n’avais pas donné du monseigneur à Jean-George, il aurait fait imprimer ma lettre, et mis contre moi tous les monseigneurs et les monsignori de l’Europe ; mais un évêque s’appelle monseigneur, comme un chien Citron[2]. Le point essentiel, c’est d’avoir prouvé à monseigneur qu’il est un sot et un menteur : c’est ce que je me flatte d’avoir démontré. Quoi qu’il en soit, je vous promets, s’il m’écrit encore, de l’appeler mon révérend père, et de l’avertir qu’il a en moi un fils bien mal morigéné. Je ne désespère pas de lui en dire quelque chose un jour plus solennellement que je n’ai fait, au risque d’être excommunié au Puy-en-Velay.

Tandis que j’écris des lettres obscures à ce plat monseigneur, il en est un qui mérite ce titre mieux que lui, et à qui vous devriez écrire une lettre ostensible, pour le remercier, au nom de nous tous, de la manière honnête dont il se conduit avec les gens de lettres : c’est M. le prince Louis de Rohan, qui serait certainement très-flatté de recevoir de vous cette marque d’estime, et d’autant plus flatté qu’il n’a aucune liaison avec vous. Si vous pouviez même joindre à votre lettre quelques vers (vous en faites bien pour MM. Simon et George Lefranc), le tout n’en irait que mieux. Vous devez bien être sûr qu’il a pour vous tous les sentiments que vous pouvez désirer, et qu’il n’est pas du nombre des fanatiques qui ont mis dans leurs intérêts les commis de la poste.

À propos d’Académie, ne croyez pas que moi et quelques autres de vos amis exigions la plate souscription de très-humble et très-obéissant serviteur[3] : la pluralité l’a emporté, et je pense qu’attendu le sot public le contraire eût peut-être fait tenir de plats discours, et que vous ferez mieux de suivre l’usage ; mais à l’égard de votre nom, il me parait indispensable pour vous, pour l’Académie, pour le public, et pour Corneille.

Je ferai chercher ce livre de Dumarsais[4], dont je n’ai aucune connaissance : c’était un grand serviteur de Dieu. Je me souviens du compliment qu’il fit au prêtre qui lui apporta les sacrements, et qui venait de l’exhorter : « Monsieur, je vous remercie ; cela est fort bien ; il n’y a point là-dedans d’alibi-forains. » Je vous remercie de mon côté de la Lettre de votre secrétaire à celui de Simon Lefranc[5]. Je ne doute point qu’en la lisant Simon Lefranc ne s’écrie :


Quid domini faciant, audent quum talia fures ?

(Virg., ecl. iii, v. 16.)
  1. Médecin malgré lui, acte II, scène vi.
  2. Les Plaideurs, acte II, scène. xiv.
  3. Voyez tome XXXI, page 177.
  4. L’Analyse de la religion chrétienne.
  5. Voyez tome XXV, page 137.