Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/153

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donnerai tous mes maux à la nature, si votre personne en est exempte.

Le roi de Prusse a eu quelques atteintes assez violentes, mais il se conserve par un grand régime. Il me fait l’honneur de m’écrire quelquefois ; mais je n’ai plus la santé et la force nécessaires pour soutenir un tel commerce. J’applaudis toujours au service qu’il a rendu au nord de l’Allemagne ; sans lui vous auriez peut-être des jésuites et des capucins dans la Thuringe, ce qui est pire à la longue que des housards. Je ne sais par quelle fatalité la partie méridionale de l’Allemagne est plongée dans la plus plate superstition, tandis que le nord est rempli de philosophes. Genève est bien changée depuis quelques années. Calvin ne reconnaîtrait pas sa ville.

Que Votre Altesse sérénissime daigne toujours agréer avec bonté mon très-tendre respect.


6191. — À M. HENNIN.
Au château de Ferney, 17 décembre.

Si je pouvais sortir, monsieur, je serais venu me mêler dans la foule de ceux qui vous ont vu arriver, le rameau d’olivier à la main[1].

  1. La république de Genève avait joui du repos, depuis l’acte de médiation de 1738, fait par la France et les cantons de Zurich et de Berne. Mais, à cette époque, les dissensions s’étaient renouvelées avec tant d’aigreur et de violence que le gouvernement français avait pris le parti d’y intervenir. On employa d’abord les voies de conciliation, et ensuite celles de la force.

    La population de Genève était composée des citoyens, bourgeois, natifs, habitants et étrangers ; la souveraineté résidait dans le conseil général, composé d’environ seize cents citoyens ou bourgeois ; mais rien ne pouvait y être traité sans l’approbation du conseil des Deux-Cents ; le conseil général ne délibérait point : il avait seulement le droit d’approuver ou de rejeter les avis et lois qui lui étaient proposés.

    Le conseil des Deux-Cents, qui était composé de deux cent cinquante membres, était nommé par le petit conseil, et ne pouvait délibérer que sur les questions que celui-ci lui soumettait ; il pouvait aussi faire des propositions sur lesquelles le petit conseil était tenu de répondre. Le conseil des Deux-Cents avait le droit de faire grâce, de légitimer les enfants naturels, de battre monnaie ; il avait d’autres droits régaliens : il était juge souverain dans les matières civiles importantes ; il présentait au conseil général les candidats pour les premières charges de la république.

    Le petit conseil ou conseil des Vingt-Cinq présidait tous les autres conseils dont il faisait partie ; il avait l’administration des affaires publiques, la haute police ; il était juge en troisième ressort pour le civil et juge souverain des causes criminelles, sauf le recours en grâce dans les cas graves ; il avait le droit de recevoir les bourgeois, etc. Il était dirigé par quatre syndics élus annuellement dans son sein par le conseil souverain. Le premier syndic présidait tous les conseils. Un