Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/217

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souffrir le galimatias, se trouvât-il dans Pierre Corneille ; de trouver le roman de Julie[1] détestable au nez des dames qui l’admiraient en baillant, etc., etc.

Je me fais faire un petit tombeau dans mon cimetière. Pompignan se ferait enterrer sur le maître-autel. Vous ferez, s’il vous plaît, mon épitaphe, et vous y direz que je pensais comme vous. Vivez heureux !


6258. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
4 février.

Je renvoie à mes divins anges le mémoire de M.  de La Voute[2] pour les comédiens. Je les supplie très-humblement de trouver que j’ai raison, parce que je crois avoir raison ; mais, s’ils me condamnent, je croirai que j’ai tort. La tournure que vous avez prise est très-habile. La déclaration du roi sera un bouclier contre la prêtraille. Elle sera enregistrée ; et quand les cuistres refuseront la sépulture à un citoyen pensionnaire du roi, on leur lâchera le parlement. Ne vous ai-je pas mandé que ma Catherine vient de chasser les capucins[3], pour n’avoir pas voulu enterrer un violon français ?

Vous êtes donc de très-bons politiques ; vous auriez donc arrangé les Genevois en vous jouant ? On dit M.  le chevalier de Beauteville malade : il peut se donner tout le temps de raffermir sa santé, rien ne presse ; il n’y a pas eu une patte de froissée dans la guerre des rats et des grenouilles[4]. M.  Crommelin est un peu ardent ; on aurait dit que le feu était aux quatre coins de Genève. Comptez que les médiateurs se mettront à pouffer de rire quand ils verront de quoi il s’agit. On a trompé monsieur le duc, on l’a engagé à précipiter ses démarches. Les Zurichois, qui n’aiment pas à dépenser leur argent inutilement, commencent à murmurer qu’on les envoie chercher pour une querelle d’auteur : car c’est là l’unique fond de la noise. Si je ne m’occupais pas tout entier de l’affaire des Sirven, qui est plus

  1. C’est sous le nom de Ximenès que Voltaire avait donné une critique de ce roman de J.-J. Rousseau ; voyez tome XXIV, page 165.
  2. Pierre-Jabineau de La Voute, né à Étampes en 1721, avocat en 1746, mort le 1er mars 1787.
  3. Voyez la lettre de Catherine, du 11-22 août 1765, n° 6089, page 45.
  4. Voltaire a déjà, dans sa lettre 6255, comparé les querelles des Genevois à celles des rats et des grenouilles.