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Je suis, avec le respect le plus sincère et le plus tendre attachement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Gaillard.

P. S. J’allais oublier, monsieur, de vous dire que je fais partir mes quatre volumes pour Lyon, à l’adresse de M. Camp, qui m’a été indiquée comme une voie sûre pour vous les faire parvenir.


6266. — À M. CONTANT DORVILLE[1].
À Ferney, 11 février.

Je reçus hier, monsieur, le premier volume du recueil que vous avez bien voulu faire ; il était accompagné d’une lettre en date du 24 de décembre dernier. Je me hâte de vous remercier de votre lettre, du recueil, de l’épître dédicatoire à Mme la comtesse de Bouttourlin, et de l’avis de l’éditeur. Ce sont autant de bienfaits dont je dois sentir tout le prix. Vous m’avez fait voir que j’étais plus ami de la vertu, et même plus théologien que je ne croyais l’être. Il y a bien des choses que la convenance du sujet et la force de la vérité font dire sans qu’on s’en aperçoive ; elles se placent d’elles-mêmes sous la main de l’auteur. Vous-avez daigné les rassembler, et je suis tout étonné moi-même de les avoir dites.

Il faut avouer aussi que ceux qui m’ont persécuté ne doivent pas être moins étonnés que moi. Votre recueil est un arsenal d’armes défensives que vous opposez aux traits des Frérons, et des lâches ennemis de la raison et des belles-lettres.

Ma vieillesse et mes maladies m’avaient fait oublier presque tous mes ouvrages ; vous m’avez fait renouveler connaissance avec moi-même. Je me suis retrouvé d’abord dans tout ce que j’ai dit de Dieu. Ces idées étaient parties de mon cœur si naturellement que j’étais bien loin de soupçonner d’y avoir aucun mérite. Croiriez-vous, monsieur, qu’il y a eu des gens qui m’ont appelé athée ? C’est appeler Quesnel moliniste. Chaque siècle a ses vices dominants ; je crois que la calomnie est celui du nôtre. Cela est si vrai que jamais on n’a dit tant de mal de Bayle que

  1. André-Guillaume Contant Dorville, né à Paris en 1730, mort avant 1820, venait de publier les Pensées philosophiques de M. de Voltaire, 1766, deux volumes in-8o, ou deux volumes in-12 ; on lit sur les faux-titres : Voltaire portatif. On fit de nouveaux frontispices en 1776, du moins pour le format in-12. Les Pensées philosophiques sont dédiées À Son Excellence Mme la comtesse de Butturlin, née comtesse de Woronzoff, ambassadrice de Russie en Espagne.