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ANNÉE 1766.

été bien élevé, et qui pense comme il faut penser. La lumière se communique de proche en proche ; il faut laisser mourir les vieux aveugles dans leurs ténèbres ; la véritable science amène nécessairement la tolérance. On ne brûlerait pas aujourd’hui la maréchale d’Ancre comme sorcière, on ne ferait pas la Saint-Barthélemy ; mais nous sommes encore loin du but où nous devons tendre : il faut espérer que nous l’atteindrons. Nous sommes, en bien des choses, les disciples des Anglais ; nous finirons par égaler nos maîtres.

Vous devez à présent, ma chère et respectable philosophe, jouir d’une santé brillante ; et moi, je dois être languissant : aussi suis-je. Puisque Esculape est à Paris, que vos bontés me soutiennent.

Permettez que je fasse les plus tendres compliments au tuteur. Tout notre petit ermitage est à vos pieds.


6389. — À M.  DAMILAVILLE.
7 juillet.

Mon cher frère, mon cœur est flétri ; je suis atterré. Je me doutais qu’on attribuerait la plus sotte et la plus effrénée démence[1] à ceux qui ne prêchent que la sagesse et la pureté des mœurs. Je suis tenté d’aller mourir dans une terre où les hommes soient moins injustes. Je me tais ; j’ai trop à dire.

Je vous prie instamment de m’envoyer la lettre qu’on prétend que j’ai écrite à Jean-Jacques[2], et qu’assurément je n’ai point écrite. Le temps se consume à confondre la calomnie. On vous demande bien pardon de vous charger de faire rendre tant de lettres.


6390. — À M.  L’ABBÉ MORELLET.
7 juillet.

C’est moi, mon cher frère, qui voudrais passer avec vous dans ma retraite les derniers six mois qui me restent peut-être encore à vivre. C’est Antoine qui voudrait recevoir Paul. Mon désert est plus agréable que ceux de la Thébaïde, quoiqu’il ne soit pas si chaud. Tous nos ermites vous aiment, tous chantent vos louanges, et désirent passionnément votre retour.

  1. Parmi les livres trouvés chez le chevalier de La Barre se trouvait le Dictionnaire philosophique, qu’on mit sur le bûcher qui consuma ses restes ; voyez l’avertissement du Beuchot en tête du tome XVII.
  2. La Lettre au docteur Pansophe, voyez tome XXVI, page 19.