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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/540

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CORRESPONDANCE.

Je lui pardonne, à condition qu’il assommera le bœuf-tigre quand il le rencontrera ; mais je ne lui pardonne qu’à cette condition.

Je m’aperçois que je passe ma vie à pardonner : mais ce n’est pas à vous, qui êtes mon vrai philosophe, et qui remplissez tous les devoirs de la société. Vos théorèmes sur cet article sont aussi bons que sur tout le reste.

Est-il vrai que l’abbé Alary[1] soit encore plus vieux et plus mal que moi ? je l’en défie, car je n’en puis plus.

L’oncle et la nièce vous embrassent de tout leur cœur.

7752. — À M. TABAREAU.
12 janvier[2].

je suis très-sensiblement touché, monsieur, de tout ce qui vous arrive. Voilà une aventure bien étrange que celle de ce dévot caissier[3] qui vous emporte votre argent ! On dit qu’il portait un cilice, ou du moins qu’il le faisait porter par son laquais. Je suis bien sûr que, si vous en aviez été informé, vous ne lui auriez pas confié un sou ; mais enfin il faudra bien que l’argent se retrouve, puisqu’on a sa personne. Je vous prie d’avoir la bonté de m’instruire de votre bonne ou mauvaise fortune dans cette singulière affaire.

Est-il bien vrai qu’il y a cinq banqueroutiers qui se sont tués dans Paris ! comment peut-on avoir la lâcheté de voler, et le courage de se donner la mort ? Voilà de plaisants Catons d’Utique que ces droles-là !

La banqueroute est-elle aussi considérable qu’on le dit ? M. Janel exerce-t-il toujours son emploi ? Voilà bien des questions que je vous fais. J’y ajouterai encore une importunité sur le roi de Portugal. On m’avait mandé que son aventure n’était qu’une galanterie, qu’un cocu lui avait donné quelques coups de bâton, et que cela n’était rien.

En voilà trop pour un homme accablé d’affaires, comme vous l’êtes. Ne me répondez point.

  1. Pierre-Joseph Alary, membre de l’Académie française, était né le 19 mars 1690, et mourut le 15 décembre 1770. C’est de lui qu’il est question tome XXXV, page 173.
  2. Cette lettre a toujours été classée mal à propos à l’année 1769. Elle est de 1770. (G.)
  3. Billard, caissier général des postes, qui fit une banqueroute frauduleuse. Voyez la note, tome VIII, page 536.