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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/12

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Je souhaite, monsieur, que vous ayez le plaisir de voir s’accomplir vos prophéties. Vos protégés, les officiers huguenots que le roi de Sardaigne a réformés, seront les bienvenus chez nous. Il sera aisé d’en placer une trentaine ; ils n’ont qu’a venir, et s’adresser au comte Zacharie Czernischew, vice-président du collège de guerre, qui les placera. J’ai grondé le comte Schouvalow ; il jure par Jupiter qu’il vous a répondu exactement : ses lettres se sont perdues peut-être.

7806. — À M. DE LA HARPE.
2 mars.

J’allais vous ecrire, mon cher confrère, tout occupé et tout languissant que je suis, lorsque j’ai reçu votre lettre du 23 février. Je tremble pour la Religieuse, si elle n’est pas imprimée avant l’assemblée du clergé ; mais les cris du public feront taire ceux qui oseront murmurer. Votre ouvrage a enchanté tout Paris ; M. d’Alembert en est idolâtre. Vous avez pour vous les philosophes et les femmes : avec cela on va loin.

Je regarde la prison des quatre mille volumes in-folio comme une lettre de cachet qu’on donne a un fils de famille pour le mettre à la Bastille, de peur que le parlement ne le mette sur la sellette.

Il m’est tombé, il y a quelques mois, entre les mains un ouvrage philosophique et honnête, intitulé Dieu et les hommes[1]. On le dit imprimé en Hollande ; mais l’extrême honnêteté dont il est fait qu’on n’ose pas l’envoyer par la poste, de peur des curieux malhonnêtes.

Vous avez bien raison de dire que la philosophie gagne, et que les arts se perdent. Heureux ceux qui, comme vous, font une Religieuse dont la philosophie fait verser des larmes !

Vraiment vous ne connaissez pas toutes mes dignités. Non-seulement je suis père temporel des capucins, mais je suis capucin moi-même. Je suis reçu dans l’ordre, et je recevrai incessament le cordon de saint François, qui ne me rendra pas la vigueur de la jeunesse.

À l’égard du cordon dont on régale actuellement bien des gens à Constantinople, je ne puis mieux faire que d’en envoyer une aune à Martin Fréron.

Mme Denis vous fait mille compliments. Je vous embrasse aussi tendrement que je vous félicite de vos succès. Mes hommages à Mme de La Harpe.

  1. Tome XXVIII, page 120.