Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
année 1772.

honneur il faisait à mes faibles ouvrages, et comme il les créait ; je l’ai appris à six-vingts lieues de Paris. Il est bien fatigué ; il demande en grâce à M. le duc de Duras, et à M. le maréchal de Richelieu, la permission de ne se rendre à Fontainebleau que le 12. Il mérite cette indulgence. Je vous prie d’en parler ; j’écris de mon côté et en son nom ; un mot de votre bouche fera plus que toutes nos lettres. Vous n’aurez donc que le 12 le code Minos ; vous le trouverez un peu changé, mais non pas autant que je le voudrais.

Je ne suis plus si pressé que je l’étais. J’ai dompté la fougue impétueuse de ma jeunesse ; mais je crois qu’on pourra fort bien publier ce code au retour de Fontainebleau.

On parle d’une pièce de M. le chevalier de Chastellux, qu’on répète[1] ; je lui cède le pas sans difficulté. Son livre de la Félicité publique [2] m’a rendu heureux, du moins pour le temps que je l’ai lu ; il est juste que j’en aie de la reconnaissance. De plus, il faut laisser les Welches dégorger leur Roméo et leur Juliette[3].

Je me mets toujours sous les ailes de mes divins anges.

8631. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 21 septembre.

Il ne s’agit pas aujourd’hui, monseigneur, des mariages des protestants. Lekain est chez moi, et il me fait oublier toutes les religions du monde, excepté celle des musulmans, quand il joue Mahomet. Il m’a fait connaître Sémiramis, que je n’avais point vue depuis vingt-quatre ans. Cela m’a fait frémir, tant cela ressemble[4] !… J’en ai été honteux et hors de moi-même. Tous les étrangers ont éprouvé le même sentiment.

Lekain a fait des efforts qui font craindre pour sa santé. Nous vous demandons en grâce, lui et moi, de permettre qu’il ne vienne à Fontainebleau que le 12. Ayez cette bonté pour nous deux ; je vous en aurai la plus grande obligation.

Agréez le tendre et profond respect du vieux malade de Ferney.

  1. Le chevalier de Chastellux, à qui sont adressées les lettres 6740, 8197, et quelques autres, avait fait jouer quelques pièces au château de la Chevrette, à trois lieues de Paris ; mais il ne paraît pas qu’il ait été question de les faire représenter sur un théâtre public. (B.)
  2. Voyez lettre 8703.
  3. Voyez une note sur la lettre 8619.
  4. Voltaire veut parler de la ressemblance entre sa tragédie de Sémiramis et la révolution de 1762, qui mit Catherine II sur le trône. Cette ressemblance avait été remarquée depuis longtemps ; voyez tome XLVI, page 2.