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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/188

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CORRESPONDANCE.

multitude se nuirait. Je défriche des terrains qui étaient incultes depuis cette révocation si heureuse. Je bâtis des maisons ; j’établis des colonies et des manufactures ; je tâche d’être utile dans mon obscurité. Je me tiens trop récompensé, madame, par tout ce que vous avez la bonté de me dire, et par le petit secret que vous daignez me confier sur la statue. Je n’en abuserai pas ; mais comptez que je sens jusqu’au fond de mon cœur tout ce que je vous dois. Je vous assure que je suis très-fâché de mourir sans vous revoir. Mais je vous aime comme si j’avais le bonheur de vous voir tous les jours.

J’en dis autant à M. Necker. Conservez tous deux vos bontés pour le vieux malade de Ferney.

8635. — DU CARDINAL DE BERNIS[1].

On ne connaît point à Rome, mon cher confrère, ni l’abbé Pinzo, ni la lettre insolente au pape. Sa Sainteté méprise les libelles ; elle est bien éloignée de soupçonner qu’un homme d’un mérite supérieur s’abaisse à ces infamies. Soyez tranquille sur cette imputation, également fausse et ridicule. Vivez heureux, c’est-à-dire tranquille ; et continuez à mériter des envieux. sans cesser de mépriser l’envie. Laissez-lui ronger la lime, elle y brisera ses dents.

8636. — À M. DE LA HARPE.
29 septembre.

Mon cher successeur, on a donc essayé sur mon image ce qu’on fera un jour pour votre personne ? La maison de Mlle Clairon[2] est donc devenue le temple de la Gloire ? c’est à elle de donner des lauriers, puisqu’elle en est toute couverte. Je ne pourrai pas la remercier dignement ; je suis un peu entouré de cyprès. On ne peut plus mal prendre son temps pour être malade.

M. Lekain est chez moi. Il a joué six de mes pièces, et l’auteur est actuellement dans son lit. Je vais pourtant me secouer, et écrire au grand prêtre[3] et à la grande prêtresse[4].


  1. Réponse à la lettre du 10 septembre, No 8622.
  2. Marmontel avait composé une Ode à la louange de Voltaire, qui donna à Mlle Clairon l’idée d’une petite fête. Un soir que, dans son salon, rue du Bac, des admirateurs du grand homme étaient réunis, un rideau se lève, et à côté du buste de Voltaire on voit Mlle Clairon vêtue en prêtresse d’Apollon, une couronne de laurier à la main. L’actrice, avec le ton de l’enthousiasme, récita l’ode de Marmontel, et déposa la couronne sur le buste de Voltaire. (B.)
  3. Marmontel ; voyez la lettre suivante.
  4. La lettre a Mlle Clairon manque ; mais on a douze vers de Voltaire à