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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/189

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année 1772.

Je n’ai point lu Roméo[1]. On m’a mandé que cela était un peu bizarre mais j’attends les Barmicides[2], comme on attend du vin de Champagne dans un pays où l’on ne boit que du vin de Brie. Je vous avais envoyé les Cabales et les Systèmes[3], mais vous étiez à la campagne.

Je suis fâché, mon cher successeur, de mourir sans vous revoir. Nous avons actuellement M. de Florian, que vous connaissez ; il s’est remarié avec une jolie huguenote, et devient un habitant de Ferney, où nous lui bâtissons une jolie maison. Ce séjour est bien changé. Il est vrai que nous n’avons plus de théâtre, mais en récompense notre village est devenu une petite ville assez jolie, toute pleine de manufactures florissantes. C’est dommage que je m’y sois pris si tard ; et j’avoue encore qu’un souper avec vous chez Mlle Clairon vaut mieux que tout cela.

Vous avez donc changé d’habitation : je vous souhaite, quelque part que vous soyez, autant de bonheur que vous avez de talents. Mme Denis ne vous oublie point, mais elle n’écrit à personne. Sa paresse d’écrire est invincible, et par conséquent pardonnable. Elle est uniquement occupée de l’éducation de la fille de M. Dupuits, qui a de singuliers talents. M. de Boufflers ne dirait pas d’elle qu’elle tient plus d’une corneille que du grand Corneille.

Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur, et je me recommande au souvenir de Mme de La Harpe.


8637. — À M. MARMONTEL.
À Ferney, 29 septembre.

On m’a instruit, mon cher ami, du beau tour que vous m’avez joué[4]. Il m’est impossible de vous remercier dignement, et d’autant plus impossible que je suis assez malade. Il ne faut pas vous témoigner sa reconnaissance en mauvais vers, cela ne serait pas juste ; mais je dois vous dire ce que je pense en prose très-sérieuse : c’est qu’une telle bonté de votre part et de celle de

    Mlle Clairon à cette occasion ; voyez tome X, dans les Poésies mêlées, la pièce commençant ainsi :

    Les talents, l’esprit, le génie, etc.

  1. Tragédie de Ducis ; voyez lettre 8619.
  2. Tragédie de La Harpe, qui ne fut jouée sur le Théâtre-Français que le 11 juillet 1778.
  3. Voyez ces deux satires dans le tome X.
  4. Voyez la première note sur la lettre précédente.