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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/25

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ANNÉE 1772.

action, vous ne songez plus qu’à vous divertir, et vous semblez oublier la gloire, comme si elle était ennuyeuse ; cependant vous deviez bien me dire un mot de cette aventure, car elle est aussi plaisante que glorieuse, et tout à fait dans votre caractère.

Je n’ai pas trop consulté votre caractère quand je vous ai ennuyé de requêtes pour des choses dont je me soucie assez médiocrement[1]; mais comme tout le monde, jusqu’aux Suisses, sait que vous m’honorez de vos bontés depuis environ cinquante-cinq ans, on m’a forcé de vous importuner.

Je présume que vous avez daigné disposer M. le duc d’Aiguillon en faveur de ma colonie, car M. d’Ogny lui donne toutes les facilités possibles. Ma colonie réussit, du moins jusqu’à présent ; elle travaille dans mon village pour les quatre parties du monde, en attendant qu’elle meure de faim.

Je n’ai nulle nouvelle de la succession de Mme la princesse de Guise. Je ne sais rien de ce qui se passe en France ; mais je suis fort au fait des Turcs et des Russes.

Que dites-vous du roi de Prusse, qui m’a envoyé un poëme en six chants contre les confédérés de Pologne ? Les contributions qu’il tire de tous les environs de Dantzick pourront servir à faire imprimer son poëme, avec de belles estampes et de belles vignettes.

Le roi de Pologne n’est pas comme vous, qui ne m’écrivez point ; il m’a écrit une lettre pleine d’esprit et de plaisanterie sur son assassinat : il est digne de régner, car il est philosophe.

Croiriez-vous qu’une partie des confédérés a proposé pour roi le landgrave de Hesse[2], que vous avez vu à Paris ? Voilà ce que c’est que d’être bon catholique.

Je finis ma lettre, de peur d’ennuyer mon héros, qui se moquerait de moi. Je le supplie d’agréer le tendre et profond respect d’un vieux malade qui n’en peut plus.

8466. — À M. DE LA HARPE.
28 janvier.

Mon cher champion du bon goût, je ne savais pas que vous eussiez été malade : car je ne sais rien dans mon lit, dont je ne sors presque plus.

  1. Voyez lettre 8439.
  2. Frédéric (voyez tome XXXVIII, page 53), l’un des correspondants de Voltaire. On a des lettres du landgrave ; mais on n’a pas toutes celles que Voltaire lui a écrites.