Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/209

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AVERTISSEMENT

POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.

Voltaire avait, en 1749, composé concurremment son Oreste et sa Rome sauvée, ou Catilina. Cette dernière tragédie eut d’abord le pas sur l’autre. Il en envoyait les premières scènes à d’Argental, à la date du 12 août 1749, avec ces lignes enthousiastes : « Lisez, lisez seulement ce que je vous envoie : vous allez être étonnés et je le suis moi-même. Le 3 du présent mois, ne vous en déplaise, le diable s’empara de moi et me dit : « Venge Cicéron et la France, lave la honte de ton pays. » Il m’éclaira, il me fit imaginer l’épouse de Catilina, etc. Ce diable est un bon diable ; mes anges, vous ne feriez pas mieux. Il me fit travailler jour et nuit. J’en ai pensé mourir, mais qu’importe ? En huit jours, oui, en huit jours et non en neuf, Catilina a été fait, et tel à peu près que les premières scènes que je vous envoie. Il est tout griffonné, et moi tout épuisé… mes chers anges, Merope est à peine une tragédie en comparaison. »

Deux jours après, il écrit au président Hainault : « J’achèverai, s’il vous plait, mon Catilina, que j’ai ébauché entièrement en huit jours. O tour de force me surprend et m’épouvante encore. Cela est plus incroyable que de l’avoir fait en trente ans. On dira que Crébillon a trop tardé, et que je me suis trop pressé ; on dira tout ce qu’on voudra. Les plus grands ouvrages ne sont, chez les Français, que l’occasion d’un bon mot. Cinq actes en huit jours, cela est très-ridicule, je le sais bien ; mais si l’on savait ce que peut l’enthousiasme, et avec quelle facilité une tète malheureusement poétique, échauffée par les Catilinaires de (Cicéron, et plus encore par l’envie de montrer ce grand homme tel qu’il est pour la liberté, le bien-être de son pays et de sa chère patrie ; avec quelle facilité, dis-je, ou plutôt avec quelle fureur une tête ainsi préparée et toute pleine de Rome, idolàire de son sujet et dévorée par son génie, peut faire en quelques jours ce que, dans <rauties circonstances, elle ne ferait pas en une année ; enfin, si scirenl (lonuni Dei, on serait moins étonné. Le grand point, c’est que la chose soit bonne ; et il ne suffît pas qu’elle soit bonne, il faut encore (ju’elle soit frappée au coin de la vérité, et qu’elle plaise. Vous aimez Bridiis ; ceci est cent fois plus fort, plus grand, plus rempli d’action, plus terrible et plus pathétique. Je voudrais que vous eussiez la bonté de vous en faire lire les premières scènes, dont j’ai envoyé la première ébauche à.M. d’Argental. »