Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/242

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Va, ne te flatte pas que jamais à son char
L’heureux Catilina puisse enchaîner César.
Tu m’as vu ton ami, je le suis, je veux l’être ;
Mais jamais mon ami ne deviendra mon maître.
Pompée en serait digne, et s’il l’ose tenter,
Ce bras levé sur lui l’attend pour l’arrêter.
Sylla, dont tu reçus la valeur en partage,
Dont j’estime l’audace, et dont je hais la rage,
Sylla nous a réduits à la captivité :
Mais s’il ravit l’empire, il l’avait mérité ;
I1 soumit l’Hellespont, il fit trembler l’Euphrate,
Il subjugua l’Asie, il vainquit Mithridate.
Qu’as-tu fait ? quels états, quels fleuves, quelles mers,
Quels rois par toi vaincus ont adoré nos fers ?
Tu peux, avec le temps, être un jour un grand homme ;
Mais tu n’as pas acquis le droit d’asservir Rome :
Et mon nom, ma grandeur, et mon autorité,
N’ont point encor l’éclat et la maturité,
Le poids qu’exigerait une telle entreprise.
Je vois que tôt ou tard Rome sera soumise.
J’ignore mon destin ; mais si j’étais un jour
Forcé par les Romains de régner à mon tour,
Avant que d’obtenir une telle victoire,
J’étendrai, si je puis, leur empire et leur gloire ;
Je serai digne d’eux, et je veux que leurs fers,
D’eux-mêmes respectés, de lauriers soient couverts.

CATILINA

Le moyen que je t’offre est plus aisé, peut-être.
Qu’était donc ce Sylla qui s’est fait notre maître ?
Il avait une armée, et j’en forme aujourd’hui ;
Il m’a fallu créer ce qui s’offrait à lui ;
Il profita des temps, et moi je les fais naître.
Je ne dis plus qu’un mot : il fut roi ; veux-tu l’être ?
Veux-tu de Cicéron subir ici la loi,
Vivre son courtisan, ou régner avec moi ?

CESAR

Je ne veux l’un ni l’autre : il n’est pas temps de feindre.
J’estime Cicéron, sans l’aimer ni le craindre.
Je t’aime, je l’avoue, et je ne te crains pas.
Divise le sénat, abaisse des ingrats,
Tu le peux, j’y consens ; mais si ton âme aspire
Jusqu’à m’oser soumettre à ton nouvel empire,