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AURELIE

Lis…

CATILINA, lit la lettre

« La mort trop longtemps a respecté mes jours.
Une fille que j’aime en termine le cours,
Je suis trop bien puni, dans ma triste vieillesse,
De cet hymen affreux qu’a permis ma faiblesse.
Je sais de votre époux les complots odieux.
César qui nous trahit veut enlever Préneste.
Vous avez partagé leur trahison funeste ;
Repentez-vous, ingrate, ou périssez comme eux… »
Mais comment Nonnius aurait-il pu connaître
Des secrets qu’un consul ignore encor peut-être ?

CETHEGUS

Ce billet peut vous perdre.


CATILINA, à Céthégus

Il pourra nous servir.

(à Aurélie)

Il faut tout vous apprendre, il faut tout éclaircir.
Je vais armer le monde, et c’est pour ma défense.
Vous, dans ce jour de sang marqué pour ma puissance,
Voulez-vous préférer un père à votre époux ?
Pour la dernière fois dois-je compter sur vous ?

AURELIE

Tu m’avais ordonné le silence et la fuite ;
Tu voulais à mes pleurs dérober ta conduite ;
Eh bien ! que prétends-tu ?

CATILINA

Partez au même instant ;
Envoyez au consul ce billet important.
J’ai mes raisons, je veux qu’il apprenne à connaître
Que César est à craindre, et plus que moi peut-être.
Je n’y suis point nommé ; César est accusé ;
C’est ce que j’attendais, tout le reste est aisé.
Que mon fils au berceau, mon fils né pour la guerre,
Soit porté dans vos bras aux vainqueurs de la terre.
Ne rentrez avec lui dans ces murs abhorrés
Que quand j’en serai maître, et quand vous régnerez.
Notre hymen est secret : je veux qu’on le publie
Au milieu de l’armée, aux yeux de l’Italie ;
Je veux que votre père, humble dans son courroux,
Soit le premier sujet qui tombe à vos genoux.