Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/249

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Partez, daignez me croire, et laissez-vous conduire ;
Laissez-moi mes dangers, ils doivent me suffire,
Et ce n’est pas à vous de partager mes soins :
Vainqueur et couronné, cette nuit je vous joins.

AURELIE

Tu vas ce jour dans Rome ordonner le carnage ?


CATILINA

Oui, de nos ennemis j’y vais punir la rage.
Tout est prêt ; on m’attend.

AURELIE

Commence donc par moi,
Commence par ce meurtre, il est digne de toi :
Barbare, j’aime mieux, avant que tout périsse,
Expirer par tes mains, que vivre ta complice.

CATILINA

Qu’au nom de nos liens votre esprit raffermi…

CETHEGUS

Ne désespérez point un époux, un ami.
Tout vous est confié ; la carrière est ouverte,
Et reculer d’un pas, c’est courir à sa perte.

AURELIE

Ma perte fut certaine au moment où mon coeur
Reçut de vos conseils le poison séducteur ;
Quand j’acceptai sa main, quand je fus abusée,
Attachée à son sort, victime méprisée.
Vous pensez que mes yeux timides, consternés,
Respecteront toujours vos complots forcenés.
Malgré moi sur vos pas vous m’avez su conduire.
J’aimais ; il fut aisé, cruel, de me séduire !
Et c’est un crime affreux dont on doit vous punir,
Qu’à tant d’atrocité l’amour ait pu servir.
Dans mon aveuglement, que ma raison déplore,
Ce reste de raison m’éclaire au moins encore.
Il fait rougir mon front de l’abus détesté
Que vous avez tous fait de ma crédulité.
L’amour me fit coupable, et je ne veux plus l’être ;
Je ne veux point servir les attentats d’un maître ;
Je renonce à mes voeux, à ton crime, à ta foi ;
Mes mains, mes propres mains s’armeront contre toi.
Frappe, et traîne dans Rome embrasée et fumante,
Pour ton premier exploit, ton épouse expirante ;
Fais périr avec moi l’enfant infortuné