Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/337

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Il faut qu’entre mes mains ce dépôt soit livré.
Votre cœur sur un fils doit être rassuré ;
Je le prends sous ma garde.

idamé

Je le prends sous ma garde.À peine je respire.

gengis

Mais de la vérité, madame, il faut m’instruire :
Quel indigne artifice ose-t-on m’opposer ?
De vous, de votre époux, qui prétend m’imposer ?

idamé

Ah ! Des infortunés épargnez la misère.

gengis

Vous savez si je dois haïr ce téméraire.

idamé

Vous, Seigneur !

gengis

Vous, Seigneur !J’en dis trop, et plus que je ne veux.

idamé

Ah ! Rendez-moi, seigneur, un enfant malheureux :
Vous me l’avez promis ; sa grâce est prononcée.

gengis

Sa grâce est dans vos mains : ma gloire est offensée,
Mes ordres méprisés, mon pouvoir avili ;
En un mot, vous savez jusqu’où je suis trahi.
C’est peu de m’enlever le sang que je demande,
De me désobéir alors que je commande,
Vous êtes dès longtemps instruite à m’outrager :
Ce n’est pas d’aujourd’hui que je dois me venger.
Votre époux !… ce seul nom le rend assez coupable.
Quel est donc ce mortel, pour vous si respectable,
Qui sous ses lois, madame, a pu vous captiver ?
Quel est cet insolent qui pense me braver ?
Qu’il vienne.

idamé

Qu’il vienne.Mon époux, vertueux et fidèle,
Objet infortuné de ma douleur mortelle,
Servit son dieu, son roi, rendit mes jours heureux.

gengis

Qui !… Lui ? Mais depuis quand formâtes-vous
Ces nœuds ?

idamé

Depuis que loin de nous le sort, qui vous seconde,
Eut entraîné vos pas pour le malheur du monde.