Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/400

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des choses ridicules à croire, trop de gens alors se déterminent à ne rien croire du tout ; ils ont assez d’esprit pour voir que votre doctrine est impertinente ; mais ils n’en ont pas assez pour s’élever jusqu’à la loi véritable ; ils savent rire de vos petits dieux, et ils ne savent pas adorer le dieu de tous les êtres, unique, incompréhensible, incommunicable, éternel, et tout juste, comme tout puissant.

MÉLITUS.

Ah ! Le blasphémateur ! Ah ! Le monstre ! Il n’en a dit que trop : je conclus à la mort.

PLUSIEURS JUGES.

Et nous aussi.

UN JUGE.

Nous sommes plusieurs qui ne sommes pas de cet avis ; nous trouvons que Socrate a très bien parlé. Nous croyons que les hommes seraient plus justes et plus sages, s’ils pensaient comme lui ; et pour moi, loin de le condamner, je suis d’avis qu’on le récompense.

PLUSIEURS JUGES.

Nous pensons de même.

MÉLITUS.

Les opinions semblent se partager.

ANITUS.

Messieurs de l’aréopage, laissez-moi interroger Socrate. Croyez-vous que le soleil tourne, et que l’aréopage soit de droit divin ?

SOCRATE.

Vous n’êtes pas en droit de me faire des questions ; mais je suis en droit de vous enseigner ce que vous ignorez. Il importe peu pour la société que ce soit la terre qui tourne ; mais il importe que les hommes qui tournent avec elle soient justes. La vertu seule est de droit divin ; et vous, et l’aréopage, n’avez d’autres droits que ceux que la nation vous a donnés.

ANITUS.

Illustres et équitables juges, faites sortir Socrate.

Mélitus fait un signe. On emmène Socrate. Anitus continue.

Vous l’avez entendu, auguste aréopage, institué par le ciel ; cet homme dangereux nie que le soleil tourne, et que vos charges soient de droit divin. Si ces horribles opinions se répandent, plus de magistrats, et plus de soleil : vous n’êtes plus ces juges établis par les lois fondamentales de Minerve, vous n’êtes plus les maîtres de l’état, vous ne devez plus juger que suivant les lois ; et si vous dépendez des lois, vous êtes perdus. Punissez la