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Scène V.


FREEPORT[1], vêtu simplement, mais proprement, avec un large chapeau ; FABRICE.

FABRICE.

Ah ! Dieu soit béni ! vous voilà de retour, monsieur Freeport ; comment vous trouvez-vous de votre voyage à la Jamaïque ?

FREEPORT.

Fort bien, monsieur Fabrice. J’ai gagné beaucoup, mais je m’ennuie. (Au garçon du café.) Hé, du chocolat, les papiers publics ; on a plus de peine à s’amuser qu’à s’enrichir.

FABRICE.

Voulez-vous les feuilles de Frélon ?

FREEPORT.

Non : que m’importe ce fatras ? Je me soucie bien qu’une araignée dans le coin d’un mur marche sur sa toile pour sucer le sang des mouches ! Donnez les gazettes ordinaires. Qu’y a-t-il de nouveau dans l’État ?

FABRICE.

Rien pour le présent.

FREEPORT.

Tant mieux ; moins de nouvelles, moins de sottises. Comment vont vos affaires, mon ami ? Avez-vous beaucoup de monde chez vous ? Qui logez-vous à présent ?

FABRICE.

Il est venu ce matin un vieux gentilhomme qui ne veut voir personne.

FREEPORT.

Il a raison : les hommes ne sont pas bons à grand’chose : fripons ou sots, voilà pour les trois quarts ; et pour l’autre quart, il se tient chez soi.

FABRICE.

Cet homme n’a pas même la curiosité de voir une femme charmante que nous avons dans la maison.

  1. C’est une vraie création que ce Freeport. Lessing nous apprend que les Anglais furent très-flattés de cette figure. Colmann, leur principal auteur dramatique en ce temps-là, fit, d’après l’Écossaise, une comédie dont Freeport fut le principal personnage, et qui eut pour titre le Marchand anglais. (G. A.)