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action : mais comptez que mademoiselle vous trompe, et qu’elle en a très-grand besoin.

LINDANE.

Non, cela n’est pas vrai. Ah ! monsieur Fabrice ! est-ce vous qui me trahissez ?

FABRICE.

Je vais vous obéir, puisque vous le voulez. (Bas à M. Freeport.) Je garderai cet argent, et il servira, sans qu’elle le sache, à lui procurer tout ce qu’elle se refuse. Le cœur me saigne ; son état et sa vertu me pénètrent l’âme.

FREEPORT.

Elles me font aussi quelque sensation ; mais elle est trop fière. Dites-lui que cela n’est pas bien d’être fière. Adieu.



Scène VII.


LINDANE, POLLY.

POLLY.

Vous avez là bien opéré, madame ; le ciel daignait vous secourir ; vous voulez mourir dans l’indigence ; vous voulez que je sois la victime d’une vertu dans laquelle il entre peut-être un peu de vanité ; et cette vanité nous perd l’une et l’autre.

LINDANE.

C’est à moi de mourir, ma chère enfant ; milord ne m’aime plus ; il m’abandonne depuis trois jours ; il a aimé mon impitoyable et superbe rivale ; il l’aime encore, sans doute ; c’en est fait ; j’étais trop coupable en l’aimant ; c’est une erreur qui doit finir. (Elle écrit.)

POLLY.

Elle paraît désespérée ; hélas ! elle a sujet de l’être ; son état est bien plus cruel que le mien : une suivante a toujours des ressources ; mais une personne qui se respecte n’en a pas.

LINDANE, ayant plié sa lettre.

Je ne fais pas un bien grand sacrifice. Tiens, quand je ne serai plus, porte cette lettre à celui…

POLLY.

Que dites-vous ?

LINDANE.

À celui qui est la cause de ma mort : je te recommande à lui ; mes dernières volontés le toucheront. Va ! (Elle l’embrasse.) Sois sûre