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ACTE I, SCÈNE II. 507

Pourrai-je en vous d’un fils trouver le caractère ? Dois-je compter sur vous ?

ORBASSAN.

Je VOUS l’ai dit assez : J’aime l’État, Argire, il nous réconcilie. Cet hymen nous rapproche, et la raison nous lie ; Mais le nœud qui nous joint n’eût point été formé Si, dans notre querelle, à jamais assoupie. Mon cœur, qui vous haït, ne vous eût estimé. L’amour peut avoir part à ma nouvelle chaîne ; Mais un si noble hymen ne sera point le fruit D’un feu né d’un instant, qu’un autre instant détruit, Que suit l’indifférence, et trop souvent la haine. Ce cœur, que la patrie appelle aux champs de Mars, Ne sait point soupirer au milieu des hasards. Mon hymen a pour but l’honneur de vous complaire, Notre union naissante, à tous deux nécessaire, La splendeur de l’État, votre intérêt, le mien ; Devant de tels objets l’amour a peu de charmes. Il pourra resserrer un m noble hen ; Mais sa voix doit ici se taire au bruit des armes.

ARGIRE.

J’estime en un soldat cette mâle fierté ; Mais la franchise plaît, et non l’austérité. J’espère que bientôt ma chère Aménaïde Pourra fléchir en vous ce courage rigide. C’est peu d’être un guerrier ; la modeste douceur Donne un prix aux vertus, et sied à la valeur. Vous sentez que ma fille au sortir de l’enfance, Dans nos temps orageux de trouble et de malheur Par sa mère élevée à la cour de Byzance, Pourrait s’effaroucher de ce sévère accueil, Qui tient de la rudesse -et ressenoible à l’orgueil. Pardonnez aux avis d’un vieillard et d’un père.

ORBASSAN.

Vous-même pardonnez à mon ihumeur austère : Élevé dans nos camps, je préférai toujours À ce mérite faux des politesses vaines, À cet art de flatter, à cet esprit des cours, La grossière vertu des mœurs républicaines : Mais je sais respecter la naissance et le rang D’un estimable objet formé de votre sang ;