Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/546

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536 TANCRÈDE.

Et, malgré les horreurs dont ma race est flétrie, Je périrai du moins en servant ma patrie.

ORBASSAN,

Des sentiments si grands sont bien dignes de vous. Allez aux musulmans porter vos derniers coups ; Mais, avant tout, fuyez cet appareil barbare. Si peu fait pour vos yeux, et déjà qu’on prépare. On approche.

ARGIRE.

Ah ! grand Dieu !

ORBASSAN.

Les regards paternels Doivent se détourner de ces objets cruels. Ma place me retient, et mon devoir sévère Veut qu’ici je contienne un peuple téméraire : L’inexorable loi ne sait rien ménager ; Tout horrible qu’elle est, je la dois protéger. Mais vous, qui n’avez point cet affreux ministère, Qui peut vous retenir, et qui peut vous forcer À voir couler le sang que la loi va verser ? On vient ; éloignez-vous.

TANCRÈDE, à Argire.

Non, demeurez, mon père.

ORBASSAN.

Et qui donc êtes-vous ?

TANCRÈDE.

Votre ennemi, seigneur, L’ami de ce vieillard, peut-être son vengeur. Peut-être autant que vous à l’État nécessaire,

SCÈNE VI.

I, a scène s’ouvre : on voit AMENAI DE au milieu des gardes ; LES CHEVALIERS, le peuple, remplissent la place.

ARGIRE, àTancrùde.

Généreux inconnu, daignez me soutenir ; Cachez-moi ces objets… C’est ma fille elle-même ^

1. Voltaire, racontant la manière dont il jouait ce rôle chez lui à Tourney, dit r « Je pleurais avec Tancrède ; je frissonnais quand on ancien ait ma fille ; je me rejetais dans les bras de Tancrède et de mes suivants. On s’intéresse à moi comme à ma fille. Je suis faible, d’accord ; un vieux bonhomme doit l’être ; c’est la nature pure. »