Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/70

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MARIN

Oui, tout ce que pour vous
A commandé votre futur époux ;
Six beaux chevaux : et vous serez contente
De la berline ; elle est bonne, brillante ;
Tous les panneaux par Martin[1] sont vernis ;
Les diamants sont beaux, très bien choisis ;
Et vous verrez des étoffes nouvelles
D'un goût charmant... Oh ! Rien n'approche d'elles.


LA BARONNE

Au comte,

Vous avez donc commandé tout cela ?

LE COMTE

A part,

Oui... mais pour qui !

MARIN

Le tout arrivera
Demain matin dans ce nouveau carrosse,
Et sera prêt le soir pour votre noce.
Vive Paris pour avoir sur-le-champ
Tout ce qu'on veut, quand on a de l'argent !
En revenant, j'ai revu le notaire,
Tout près d'ici, griffonnant votre affaire.

LA BARONNE

Ce mariage a traîné bien longtemps.

LA MARQUISE

A part,

Ah ! Je voudrais qu'il traînât quarante ans.

MARIN

Dans ce salon j'ai trouvé tout à l'heure
Un bon vieillard, qui gémit et qui pleure ;
Depuis longtemps il voudrait vous parler.

LA BARONNE

Quel importun ! Qu'on le fasse en aller ;
Il prend trop mal son temps.

LA MARQUISE

Pourquoi, madame ?
Mon fils, ayez un peu de bonté d'âme,
Et, croyez-moi, c'est un mal des plus grands
De rebuter ainsi les pauvres gens :
Je vous ai dit cent fois dans votre enfance

  1. Martin est encore nommé par Voltaire dans son épître en vers connue sous le nom des Vous et des Tu.