Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/137

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Mais donnez cette paix a mes sens déchirés.
J’ai plus d’un droit ici, je saurai les défendre.
Je meurs sans Olympie, et vous devez la rendre.
Achevons cet hymen.


L’Hiérophante

Elle remplit, seigneur,
Des devoirs bien sacrés, et bien chers à son cœur.

Cassandre

Tout le mien les partage. Où donc est la prêtresse
Qui doit m’offrir ma femme, et bénir ma tendresse ?


L’Hiérophante

Elle va l’amener. Puissent de si beaux nœuds
Ne point faire aujourd’hui le malheur de tous deux !


Cassandre

Notre malheur !… Hélas ! Cette seule journée
Voyait de tant de maux la course terminée.
Pour la première fois un moment de douceur
De mes affreux chagrins dissipait la noirceur.


L’Hiérophante

Peut-être plus que vous Olympie est à plaindre.

Cassandre

Comment ? Que dites-vous ?… Eh ! Que peut-elle craindre ?


L’Hiérophante, S’en allant.

Vous l’apprendrez trop tôt.

Cassandre

Non, demeurez. Eh quoi !
Du parti d’Antigone êtes-vous contre moi ?


L’Hiérophante

Me préservent les cieux de passer les limites
Que mon culte paisible à mon zèle a prescrites !
Les intrigues des cours, les cris des factions,
Des humains que je fuis les tristes passions,
N’ont point encor troublé nos retraites obscures[1],

  1. Cet exemple d’un prêtre qui se renferme dans les bornes de son ministère de paix nous a paru d’une très-grande utilité, et il serait à souhaiter qu’on ne les représentât jamais autrement sur un théâtre public qui doit être l’école des mœurs. Il est vrai qu’un personnage qui se borne à prier le ciel et à enseigner la vertu n’est pas assez agissant pour la scène ; mais aussi il ne doit pas être, au nombre des personnages dont les passions font mouvoir la pièce. Les héros, emportés par leurs passions, agissent, et un grand-prêtre instruit. Ce mélange, heureusement employé par des mains plus habiles, pourra faire un jour un grand effet sur le théâtre.

    On ose dire que le grand-prêtre Joad, dans la tragédie d’Athalie, semble s’éloigner