Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/142

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Cassandre

Vousm’avez plus frappé que n’eût fait le tonnerre ;
Et mon front à vos pieds n’ose toucher la terre.
Je m’en avoue indigne après mes attentats ;
Et si je m’excusais sur l’horreur des combats,
Si je vous apprenais que ma main fut trompée
Quand des jours d’un héros la trame fut coupée,
Que je servais mon père en m’armant contre vous,
Je ne fléchirais point votre juste courroux.
Rien ne peut m’excuser… Je pourrais dire encore
Que je sauvai ce sang que ma tendresse adore,
Que je mets à vos pieds mon sceptre et mes États.
Tout est affreux pour vous !… Vous ne m’écoutez pas :
Ma main m’arracherait ma malheureuse vie,
Moins pleine de forfaits que de remords punie,
Si votre propre sang, l’objet de tant d’amour,
Malgré lui, malgré moi, ne m’attachait au jour.
Avec un saint respect j’élevai votre fille ;
Je lui tins lieu quinze ans de père et de famille ;
Elle a mes vœux, mon cœur, et peut-être les dieux
Ne nous ont assemblés dans ces augustes lieux
Que pour y réparer, par un saint hyménée,
L’épouvantable horreur de notre destinée.


Statira

Quel hymen !… Ô mon sang ! Tu recevrais la foi
De qui ? De l’assassin d’Alexandre et de moi ?


Olympie

Non… ma mère, éteignez ces flambeaux effroyables,
Ces flambeaux de l’hymen entre nos mains coupables ;
Éteignez dans mon cœur l’affreux ressouvenir
Des nœuds, des tristes nœuds qui devaient nous unir.
Je préfère (et ce choix n’a rien qui vous étonne)
La cendre qui vous couvre au sceptre qu’il me donne.
Je n’ai point balancé ; laissez-moi dans vos bras
Oublier tant d’amour avec tant d’attentats.
Votre fille en l’aimant devenait sa complice.
Pardonnez, acceptez mon juste sacrifice ;
Séparez, s’il se peut, mon cœur de ses forfaits ;
Empêchez-moi surtout de le revoir jamais.


Statira

Je reconnais ma fille, et suis moins malheureuse.
Tu rends un peu de vie à ma langueur affreuse ;