Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/158

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Cassandre

Ehbien ! De mon rival si l’amour vous offense,
Vous ne sauriez m’ôter un rayon d’espérance ;
Et quand votre vertu rejette un autre époux,
Ce refus est ma grâce, et je me crois à vous.
Tout souillé que je suis du sang qui vous fit naître,
Vous êtes, vous serez la moitié de mon être,
Moitié chère et sacrée, et de qui les vertus
Ont arrêté sur moi les foudres suspendus,
Ont gardé sur mon cœur un empire suprême,
Et devraient désarmer votre mère elle-même.


Olympie

Ma mère !… Quoi ! Ta bouche a prononcé son nom !
Ah ! Si le repentir, si la compassion,
Si ton amour, au moins, peut fléchir ton audace,
Fuis les lieux qu’elle habite, et l’autel que j’embrasse.
Laisse-moi.

Cassandre

Non, sans vous je n’en saurais sortir.
A me suivre à l’instant vous devez consentir.

Il la prend par la main.

Chère épouse, venez.


Olympie, La retirant avec transport.

Traite-moi donc comme elle ;
Frappe une infortunée à son devoir fidèle ;
Dans ce cœur désolé porte un coup plus certain :
Tout mon sang fut formé pour couler sous ta main ;
Frappe, dis-je.


Cassandre

Ah ! Trop loin vous portez la vengeance ;
J’eus moins de cruauté, j’eus moins de violence,
Le ciel sait faire grâce, et vous savez punir ;
Mais c’est trop être ingrate, et c’est trop me haïr.

Olympie

Ma haine est-elle juste, et l’as-tu méritée ?
Cassandre, si ta main féroce, ensanglantée,
Ta main qui de ma mère osa percer le flanc.
N’eût frappé que moi seule, et versé que mon sang,
Je te pardonnerais, je t’aimerais… barbare.
Va, tout nous désunit.


Cassandre

Non, rien ne nous sépare.