Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/240

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SCÈNE VI.

JULIE, ALBINE, POMPÉE.

JULIE,

dieux ! Pompée !

POMPÉE.

Il est mort, c’en est fait.

JULIE.

Qui ?

POMPÉE.

L’univers est libre.

JULIE.

O Rome ! ô ma patrie ! Octave est mort par vous !

POMPÉE.

Oui, je vous ai servie. De la terre et de vous j’ai puni l’oppresseur.

JULIE.

O succès inouï ! trop heureuse fureur !

POMPÉE.

Ses gardes assoupis, dans leur infâme ivresse,
Laissaient un accès libre à ma main vengeresse :
Un de ses favoris, un de ses assassins,
Un ministre odieux de ses affreux desseins.
Seul auprès du tyran reposait dans sa tente :
J’entre ; un dieu me conduit ; une idée effrayante.
De la mort que j’apporte un songe avant-coureur,
Dans son profond sommeil excitant sa terreur.
De ses proscriptions lui présentait l’image ;
Quelques sons mal formés de sang et de carnage
S’échappaient de sa bouche, et son perfide cœur
Jusque dans le repos déployait sa fureur ;
De funèbres accents ont prononcé Pompée :
Dans son cœur à ce nom j’ai plongé cette épée ;
Mon rival a passé du sommeil au trépas,
Trépas encor trop doux pour tant d’assassinats ;
Il aurait dû périr par un supplice insigne.
Je sais que de Pompée il eût été plus digne
D’attaquer un César au milieu des combats,
Mais un César tyran ne le méritait pas.