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308 LES SCYTHES.

Que sa douleur farouche, à vous perdre obstinée, Cesse enfin de lutter contre sa destinée.

OBÉIDE.

Non, ce parti serait injuste et dangereux ; Il coûterait du sang ; le succès est douteux ; Mon père expirerait de douleur et de rage… Enfin l’hymen est fait, ., je suis dans l’esclavage. L’habitude à souffrir pourra fortifier Mon courage éperdu qui craignait de plier.

SL’LMA.

Vous pleurez cependant, et votre œil qui s’égare Parcourt avec horreur cette enceinte barbare. Ces chaumes, ces déserts, où des pompes des rois Je vous vis descendue aux plus humbles emplois ; Où d’un vain repentir le trait insu])portable Déchire de vos jours le tissu misérable… Que vous restera-t-il ? hélas !

OBÉIDE,

Le désespoir.

SL’LMA.

Dans cet état affreux, que faire ?

OBÉIDE,

Mon devoir. L’honneur de le remplir, le secret témoignage Que la vertu se rend, qui soutient le courage. Qui seul en est le prix, et que j’ai dans mon cœur, Me tiendra lieu de tout, et même du bonheur i,

1. On lit dans Claudian, Consulatus Mallii Theod. v. i :

Ipsa quidem virtus pretium sibi, solaque late

Fortunée secura nitet ; nec fascibus ullis

Erigitur…

Nil opis externae cupiens, nil indiga laudis,

Divitiis animosa suis…

« Le rôle d"01)éide, dit Voltaire, demande d’autant plus d’art qu’elle pense presque toujours le contraire de ce quelle dit. Je ne sais pas comment j’ai pu faire un pareil rôle qui est tout l’opposé de mon caractère… C’est dans ce rôle que la lettre tue, et que l’esprit vivifie ; car pendant plus de quatre actes oui veut dire non. »

FIN DU TROISIÈME ACTE.

I