Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/428

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La maison est à vous : gardez-vous d’en sortir,
Et priez seulement Ninon d’en déguerpir.
Par mille éclats fâcheux la maison polluée,
Quand vous y vivrez seul, sera purifiée,
Et je pourrais bien même y loger avec vous.


GOURVILLE L’AÎNÉ.

Cet honneur me serait bien utile et bien doux ;
Mais je ne me sens pas l’âme encore assez forte
Pour chasser une femme, et la mettre à la porte.
C’est un acte pieux : mais l’honneur a ses droits ;
Et vous savez, monsieur, tout ce que je lui dois.
Pourrais-je, sans rougir, dire à ma bienfaitrice :
« Sortez de la maison, et rendez-vous justice ? »
Cela n’est-il pas dur ?


MONSIEUR GARANT.

Un tel ménagement
Est bien louable en vous, et m’émeut puissamment.
Ce scrupule d’abord a barré mes idées ;
Mais j’ai considéré qu’elles sont bien fondées.
Le désordre est trop grand. Votre propre danger
A la faire sortir devrait vous engager.
Sachez que votre frère entretient avec elle
Une intrigue odieuse, indigne, criminelle,
Un scandaleux commerce… un… je n’ose parler
De tout ce qui s’est fait… tant je m’en sens troubler.


GOURVILLE L’AÎNÉ.

Voilà donc la raison de cette préférence
Qu’on lui donnait sur moi !

MONSIEUR GARANT.

Sentez la conséquence.


GOURVILLE L’AÎNÉ.

Je n’aurais pu jamais la deviner sans vous.
Les vilains !… Grâce au ciel, je n’en suis point jaloux.
Je n’imaginais pas qu’un si grand fou dût plaire.

MONSIEUR GARANT.

Les fous plaisent parfois. Oui.

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Ah ! J’en suis en colère
Pour l’honneur du Marais.

MONSIEUR GARANT.

Il faut premièrement
Détourner loin de nous ce scandale impudent,