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DISCOURS HISTORIQUE ET CRITIQUE. S03

mangeant de la chair de cheval en carême ^ une étourderie de jeunesse punie par un supplice réservé aux parricides- ; et enfin les mœurs les plus barbares étaler, à l’étonnement des nations indignées, toute leur atrocité dans le sein de la politesse et des plaisirs. C’était malheureusement le caractère de quelques peuples dans des temps d’ignorance. Plus on est aheurde, plus on est intolérant et cruel : l’absurdité a élevé plus d’échafauds qu’il n’y a eu de criminels. C’est l’absurdité qui livra aux flammes la maréchale d’Ancre et le curé Urbain Crandier ; c’est l’absurdité, sans doute, qui fut l’origine de la Saint-Barthélémy. Quand la raison est pervertie, l’homme devient un animal féroce ; les bœufs et les singes se changent en tigres. Voulez-vous changer enfin ces bêtes en hommes ? Commencez par souffrir qu’on leur prêche la raison -^

i. Claude Guillon, exécuté en 1G29, le 25 juillet, à Saint-Claude, en Franche- Comté, pour ce crime de lèse-majesté divine au premier chef. — Voltaire a parlé de Guillon dans son Commentaire sur le livre dus Délits et des Peines. (B.)

2. Voyez la Relation de la mort du chevalier de La Barre. (B.)

3. C’est ici que se termine le Discours historique dans toutes les éditions données du vivant de l’auteur ; mais, dans le manuscrit, ce discours était terminé par le passage que voici, et que nous ont conservé les éditeurs de Kohi :

« Le résultat de ce discours est qu’il faut de la tolérance dans les bcanx-arts comme dans la société : aussi ce jeune Dosmahis était le plus tolérant de tous les hommes ; il ne haïssait que les pédants insolents, qui sont la pire espèce du genre humain, soit qu’ils parlent en persécuteurs, comme l’ont été les jésuites, soit qu’ils outragent des citoyens dans des gazettes ecclésiastiques ou profanes, pour avoir du pain. S’il était inexorable pour ces âmes lâches et perverses, il était très-indulgent pour les ouvrages de génie. Il n’en est aucun de parfait, disait-il, pas même le Tartuffe, qui approche tant de la perfection.il y a des morceaux parfaits : c’est tout ce qu’on peut attendre de la faiblesse humaine.

« C’est dommage qu’il soit mort si jeune, ainsi que Guillaume Vadé et Jérôme Carré ; ils auraient peut-être un peu servi à débarbouiller ce siècle.

M Je donne donc en pur don les Guèbres de M. Desmahis à un libraire qui les donnera au public pour do l’argent.

« Je n’excuse ni la singularité de cette pièce ni ses défauts.

« Si les Guèbres ennuient mon cher lecteur, et m’ennuient moi-même quand jo les relirai, ce qui m’est arrivé en cent occasions, je leur dirai :

« Enfant posthume et misérable

De mon. cher petit Desmahis,

Tombez dans la foule innombrable

De ces impertinents écrits

Dont l’énormité nous accable,

Tant en province qu’à Paris.

C’est un destin bien déplorable,

Mais c’est celui des beaux esprits

De notre siècle incomparable. » (B.)