Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/557

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Et prends garde surtout qu’aucun n’entre et ne sorte.
Mégatise sort.
à Iradan.
Prends un peu de repos nécessaire à tes sens ;
Laisse-nous ranimer tes esprits languissants ;
Trop de soin te tourmente avec tant de faiblesse.

IRADAN

Ah, Césène ! Au prétoire on veut que je paraisse !
Ce coup que je reçois m’a bien plus offensé
Que le fer d’un ingrat dont tu me vois blessé.
Notre ennemi l’emporte, et déjà le prétoire,
Nous ôtant tous nos droits, lui donne la victoire.
Le puissant est toujours des grands favorisé ;
Ils se maintiennent tous ; le faible est écrasé
Ils sont maîtres des lois dont ils sont interprètes ;
On n’écoute plus qu’eux ; nos bouches sont muettes :
On leur donne le droit de juges souverains,
L’autorité réside en leurs cruelles mains ;
Je perds le plus beau droit, celui de faire grâce.

CÉSÈNE

Eh ! Pourrais-tu la faire à la farouche audace
Du fanatique obscur qui t’ose assassiner ?

IRADAN

Ah ! Qu’il vive.

CÉSÈNE

À l’ingrat je ne puis pardonner.
Tu vois de notre état la gêne et les entraves ;
Sous le nom de guerriers nous devenons esclaves.
Il n’est plus temps de fuir ce séjour malheureux,
Véritable prison qui nous retient tous deux.
César est arrivé ; la tête de l’armée
Garde de tous côtés les chemins d’Apamée.
Il ne m’est plus permis de déployer l’horreur
Que ces prêtres sanglants. excitent dans mon cœur ;
Et, loin de te venger de leur troupe parjure,
De nager dans leur sang, d’y laver ta blessure,
Avec eux malgré moi je dois me réunir.
C’est ton lâche assassin que nous devons punir ;
Et, puisqu’il faut le dire, indigné de son crime,
Aux sacrificateurs j’ai promis la victime :
Ta sûreté le veut. Si l’ingrat ne mourait,
Il est Guèbre, il suffit, César te punirait.