Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/198

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Voilà mes vœux, mon culte, et mes derniers adieux.
Et toi, que l’on dit roi, toi, qui passes pour juste,
Toi, dont un peuple entier chérit l’empire auguste,
Et qui, du tribunal où les lois t’ont porté,
Sembles tourner sur moi des yeux d’humanité,
Plains-tu mon infortune en voulant mon supplice ?
Non, de mes assassins tu n’es pas le complice.

Mérione, archonte, à Teucer.

On ne peut faire grâce, et votre autorité
Contre un usage antique, et partout respecté,
Opposerait, seigneur, une force impuissante.

Teucer.

Que je livre au trépas sa jeunesse innocente !…

Mérione.

Il faut du sang au peuple, et vous le connaissez ;
Ménagez ses abus, fussent-ils insensés.
La loi qui vous révolte est injuste peut-être ;
Mais en Crète elle est sainte, et vous n’êtes pas maître
De secouer un joug dont l’état est chargé.
Ton pouvoir a sa borne, et cède au préjugé.

Teucer.

Quand il est trop barbare, il faut qu’on l’abolisse.

Mérione.

Respectons plus Minos.

Teucer.

Respectons plus Minos.Aimons plus la justice.
Et pourquoi dans Minos voulez-vous révérer
Ce que dans Busiris on vous vit abhorrer ?
Oui, j’estime en Minos le guerrier politique ;
Mais je déteste en lui le maître tyrannique.
Il obtint dans la Crète un absolu pouvoir :
Je suis moins roi que lui, mais je crois mieux valoir ;
En un mot à mes yeux votre offrande est un crime.

(À Dictime.)

Viens, suis-moi.

Pharès se lève, les sacrificateurs aussi, et descendent de l’estrade.

Viens, suis-moi.Qu’aux autels on traîne la victime.

Teucer.

Vous osez !…