Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/210

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Il peut tomber un jour au pied de cet autel
Où sa main veut sur vous porter le coup mortel.
Je vous rendrai l’époux dont vous êtes privée,
Et pour qui du trépas les dieux vous ont sauvée ;
Il vous suivra bientôt : rentrez ; que cette tour,
De la captivité jusqu’ici le séjour,
Soit un rempart du moins contre la barbarie.
On vient. Ce sera peu d’assurer votre vie ;
J’abolirai nos lois, ou j’y perdrai le jour.

Astérie.

Ah ! Que vous méritez, seigneur, une autre cour,
Des sujets plus humains, un culte moins barbare[1] !

Teucer.

Allez : avec regret de vous je me sépare ;
Mais de tant d’attentats, de tant de cruauté,
Je dois venger mes dieux, vous, et l’humanité.

Astérie.

Je vous crois, et de vous je ne puis moins attendre.


Scène IV.

TEUCER, DICTIME, MÉRIONE.
Mérione.

Seigneur, sans passion pourrez-vous bien m’entendre ?

Teucer.

Parlez.

Mérione.

Parlez.Les factions ne me gouvernent pas,
Et vous savez assez que, dans nos grands débats,
Je ne me suis montré le fauteur ni l’esclave
Des sanglants préjugés d’un peuple qui vous brave.
Je voudrais, comme vous, exterminer l’erreur
Qui séduit sa faiblesse, et nourrit sa fureur.
Vous pensez arrêter d’une main courageuse
Un torrent débordé dans sa course orageuse ;
Il vous entraînera, je vous en averti.

  1. On voulut voir dans Mérione le Suédois d’Hessenstein ; Voltaire protesta en déclarant que Mérionne n’était qu’un petit fanatique, et qu’il n’avait pas la noblesse d’âme du comte suédois. (G. A.)