Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/226

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Loin de l’affreux bûcher précipite tes pas ;
Retourne, malheureux, retourne en ta patrie ;
Achève en gémissant les restes de ta vie.
La mienne est plus cruelle ; et, tout roi que je suis,
Les dieux m’ont éprouvé par de plus grands ennuis :
Ton peuple a massacré ma fille avec sa mère ;
Tu ressens comme moi la douleur d’être père.
Va, quiconque a vécu dut apprendre à souffrir ;
On voit mourir les siens avant que de mourir.
Pour toi, pour ton pays, Astérie est perdue ;
Sa mort par mes bontés fut en vain suspendue ;
La guerre recommence, et rien ne peut tarir
Les nouveaux flots de sang déjà prêts à courir.

Azémon.

Je pleurerais sur toi plus que sur ma patrie,
Si tu laissais trancher les beaux jours d’Astérie.
Elle vivra, crois-moi ; j’ai des gages certains
Qui toucheraient les cœurs de tous ses assassins.

Teucer.

Ah ! Père infortuné ! Quelle erreur te transporte !

Azémon.

Quand tu contempleras la rançon que j’apporte,
Sois sûr que ces trésors à tes yeux présentés
Ne mériteront pas d’en être rebutés ;
Ceux qu’Achille reçut du souverain de Troie
n’égalaient pas les dons que mon pays t’envoie.
Cesse de t’abuser ; remporte tes présents.
Puissent les dieux plus doux consoler tes vieux ans !
Mon père, à tes foyers j’aurai soin qu’on te guide.


Scène III.

TEUCER, DICTIME, AZÉMON, le héraut, gardes.
Dictime.

Ah ! Quittez les parvis de ce temple homicide,
Seigneur ; du sacrifice on fait tous les apprêts :
Ce spectacle est horrible, et la mort est trop près.
Le seul aspect des rois, ailleurs si favorable,