Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour fouler à vos pieds les lois de la patrie,
Je la défends, seigneur, au péril de ma vie.
Père et monarque heureux, vous avez résolu
D’usurper malgré nous un empire absolu,
De courber sous le joug de la grandeur suprême
Les ministres des dieux, et les grands, et moi-même ;
Des vils cydoniens vous osez vous servir
Pour opprimer la Crète, et pour nous asservir ;
Mais, de quelque grand nom qu’en ces lieux on vous nomme
Sachez que tout l’état l’emporte sur un homme.

Teucer.

Tout l’État est dans moi… fier et perfide ami,
Je ne vous connais plus que pour mon ennemi :
Courez à vos tyrans.

Mérione.

Courez à vos tyrans.Vous le voulez ?

Teucer.

Courez à vos tyrans. Vous le voulez ?J’espère
Vous punir tous ensemble. Oui, marchez, téméraire ;
Oui, combattez sous eux, je n’en suis point jaloux ;
Je les méprise assez pour les joindre avec vous.

(Mérione sort.)

(À Azémon.)

Et toi, cher étranger, toi, dont l’âme héroïque
M’a forcé, malgré moi, d’aimer ta république ;
Toi, sans qui j’eusse été, dans ma triste grandeur,
Un exemple éclatant d’un éternel malheur ;
Toi, par qui je suis père, attends sous ces ombrages
Ou le comble ou la fin de mes sanglants outrages :
Va ! Tu me reverras mort ou victorieux.

(Il sort.)
Azémon.

Ah ! Tu deviens mon roi… rendez-moi, justes dieux,
Avec mes premiers ans, la force de le suivre !
Que ce héros triomphe, ou je cesse de vivre !
Datame et tous les siens, dans ces lieux rassemblés,
N’y seraient-ils venus que pour être immolés ?
Que devient Astérie ?… ah ! Mes douleurs nouvelles
Me font encor verser des larmes paternelles.