Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/240

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Astérie.

Est-il quelque danger que mon amant redoute ?
Non, Datame est heureux.

Datame.

Non, Datame est heureux.Je l’eusse été sans doute,
Lorsque, dans nos forêts et parmi nos égaux,
Ton grand cœur attendri donnait à mes travaux
Sur cent autres guerriers la noble préférence ;
Quand ta main fut le prix de ma persévérance,
Je me croyais à toi : la fille d’Azémon
Pouvait avec plaisir s’honorer de mon nom.
Tu le sais, digne ami, ta bonté paternelle
Encourageait l’amour qui m’enflamma pour elle.

Azémon.

Et je dois l’approuver encor plus que jamais.

Astérie.

Tes exploits, mon estime, et tes nouveaux bienfaits,
Seraient-ils un obstacle au succès de ta flamme ?
Qui, dans le monde entier, peut m’ôter à Datame ?

Datame.

Au sortir du combat, à ton père, à ton roi,
J’ai demandé ta main, j’ai réclamé ta foi,
Non pas comme le prix de mon faible service,
Mais comme un bien sacré fondé sur la justice,
Un bien qui m’appartient, puisque tu l’as promis ;
Sanglant, environné de morts et d’ennemis,
Je vivais, je mourais pour la seule Astérie.

Astérie.

Eh bien ! Est-il en Crète une âme assez hardie
Pour t’oser disputer le prix de ton amour ?

Datame.

Ceux qu’on appelle grands dans cette étrange cour,
Et qui semblent prétendre à cet honneur insigne,
Déclarent qu’un soldat ne peut en être digne…
S’ils osaient devant moi…

Azémon.

S’ils osaient devant moi…Respectable soldat,
Astérie est ta femme, ou Teucer est ingrat.

Astérie.

Il ne peut l’être.

Datame.

Il ne peut l’être.On dit que, dans cette contrée,