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ACTE I, SCÈNE IV. 2(i9

D’une province entière on faisait son partage ;

La moitié de mon trône était son iiéritaf^e.

Que dis-je ? on vous donnait !… Plus juste possesseur,

J’ai repris tous mes biens des mains du ravisseur.

Le traître, avec (luesclin vaincu dans Navarettc,

l^ar une fausse paix réparant sa défaite,

Attire à son parti nos peuples aveuglés.

Il impose au sénat, aux états assemblés ;

Faible dans les combats, puissant dans les intrigues.

Artisan ténébreux de fraudes et de brigues,

Il domine en secret dans mon propre palais.

Il croit déjà régner. Ne me i)arlcz jamais

De ce dangereux fourbe et de ce téméraire :

Cessez,

LKONORE.

Je vous parlais, seigneur, de votre frère.

DON PÈDRE.

Mon frère ! Transtamare !… Il doit n’être à vos yeux Qu’un opprobre nouveau du sang de nos aïeux, lu enfant d’adultère, un rejeton du crime : Et l’étrange intérêt qui pour lui vous anime Est un coup plus cruel à mon esprit blessé Que tous ses attentats, qui m’ont trop offensé.

LÉONORE.

De quoi vous plaignez-vous quand je le sacrifie ?

Quand, vous donnant mon cœur et Iiasardant ma vie,

Mon sort à vos destins s’abandonne aujourd’hui ?

Ma tendresse pour vous et ma pitié pour lui

A vos yeux irrités sont-elles une offense ?

Je vous vois menacé des armes de la France :

Les états, le sénat, unis contre vos droits.

Ont élevé déjà leurs redoutables voix.

M’est-il donc défendu de craindre un tel orage ?

DON PKDRE.

Xon, mais rassurez-vous du moins sur mon courage.

LÉONORE.

Vous n’en avez que trop ; et, dans ces jours affreux. Ce courage, peut-être, est funeste à tous deux.

DON PÎiDRE.

Rien n’est funeste aux rois que leur propre faiblesse.

LÉONORE.

Ainsi votre refus rebute ma tendresse :