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ACTE IV, SCKNE II. 295

Vous m’offrez un pardon, pourvu que j’obéisse ! Écoutez… Si j’allais, du même zèle épris, Envoyer une armée aux remparts de Paris ; Si l’un de mes soldats disait à votre maître : « Sire, cédez le trône où Dieu vous a fait naître. Cédez le digne objet pour qui seul vous vivez ; Et de tous ces trésors à vos mains enlevés Enrichissez un traître, un fils d’une étrangère, Indigne de la France, indigne de son père ; (lardez-vous de donner vos ordres absolus Pour former des soldats, pour lever des tributs ; Attendez humblement qu’un pontife l’ordonne ; Remettez au sénat les droits de la couronne ; Et don Pèdre à ce prix veut bien vous protéger… »

Votre maître, à ce point se sentant outrager, Pourrait-il écouter sans un peu de colère Ce discours insultant d’un soldat téméraire ?

GUESCLIN.

Je veux bien avouer que votre ambassadeur S’expliquerait fort mal avec tant de hauteur : Rien ne justifierait f orgueil et l’imprudence De donner des leçons et des lois à la France. Cliarle s’en tient, seigneur, à la foi des traités. Songez aux derniers mots par Alfonse dictés ; Ils ont rendu mon roi le tuteur et le père De celui que don Pèdre eût dû traiter en frère.

DON PÎiDRE.

Le tuteur d’un rebelle ! ah, noble chevalier ! Qu’il vous coûte en secret de le justifier ! J’en appelle à vous-même, à l’honneur, à la gloire. Votre prince est-il juste ?

GUESCLIN.

Un sujet doit le croire. Je suis son général, et le sers contre tous, Comme je servirais si j’étais né sous vous. Je vous ai déclaré les arrêts qu’il prononce ; Je n’y yeux rien changer, et j’attends la réponse ; Donnez-la sans réserve : il faut vous consulter. Je viens pour vous combattre, et non pour disputer. Vous m’appelez soldat ; et je le suis sans doute. Ce n’est plus qu’en soldat que Guesclin vous écoute. Cédez, ou prononcez votre dernier refus.