Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/377

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Écoutez votre maître à qui le sang vous lie,
Et qui pour votre fille a prodigué sa vie,
Celui qui d'un tyran vous a tous délivrés,
Ce vainqueur malheureux que vous désespérez.
Le souverain sacré des autels de Sophie,
Dont la cabale altière à la vôtre est unie,
Contre moi vous seconde, et croit impunément
Ravir, au nom du ciel, Irène à son amant.
Je vous ai tous servis, vous, Irène et Byzance ;
Votre fille en était la juste récompense,
Le seul prix qu'on devait à mon bras, à ma foi,
Le seul objet enfin qui soit digne de moi.
Mon coeur vous est ouvert, et vous savez si j'aime.
Vous venez m'enlever la moitié de moi-même,
Vous qui, dès le berceau nous unissant tous deux,
D'une main paternelle aviez formé nos noeuds ;
Vous, par qui tant de fois elle me fut promise,
Vous me la ravissez lorsque je l'ai conquise,
Lorsque je l'ai sauvée, et vous, et tout l'état !
Mortel trop vertueux, vous n'êtes qu'un ingrat.
Vous m'osez proposer que mon coeur s'en détache !
Rendez-la-moi, cruel, ou que je vous l'arrache :
Embrassez un fils tendre, et né pour vous chérir,
Ou craignez un vengeur armé pour vous punir.

léonce

Ne soyez l'un ni l'autre, et tâchez d'être juste.
Rapidement porté jusqu'à ce trône auguste,
Méritez vos succès... écoutez-moi, seigneur :
Je ne puis ni flatter ni craindre un empereur ;
Je n'ai point déserté ma retraite profonde
Pour livrer mes vieux ans aux intrigues du monde,
Aux passions des grands, à leurs voeux emportés :
Je ne puis qu'annoncer de dures vérités ;
Qui ne sert que son Dieu n'en a point d'autre à dire :
Je vous parle en son nom comme au nom de l'empire,
Vous êtes aveuglé ; je dois vous découvrir
Le crime et les dangers où vous voulez courir.
Sachez que sur la terre il n'est point de contrée,
De nation féroce et du monde abhorrée,
De climat si sauvage, où jamais un mortel
D'un pareil sacrilège osât souiller l'autel.
Écoutez Dieu qui parle, et la terre qui crie :