Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/401

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AVERTISSEMENTDE L’ÉDITION DE KEHL.


On ne doit regarder cette tragédie que comme une esquisse[1]. Les situations, les scènes, sont quelquefois plutôt indiquées que remplies. Les caractères sont heureusement conçus, fortement dessinés ; mais les traits ne sont pas terminés, les nuances ne sont point marquées. Cet ouvrage est précieux, parce qu’il montre la manière dont travaillait M. de Voltaire, et qu’il sert à expliquer comment il a pu joindre une fécondité si prodigieuse avec tant de perfection. On voit qu’il travaillait longtemps ses ouvrages, mais sans jamais s’arrêter sur les détails, sans suspendre la marche, attendant le moment de l’inspiration ; sachant qu’on n’y supplée point par des efforts, profitant des instants où son génie avait toutes ses forces pour faire de grandes choses et ne perdant pas ce temps précieux à corriger un vers, à prévenir une objection ; revenant ensuite sur ces objets dans des instants moins heureux et plus tranquilles.

Le jour de la première représentation de cette pièce, M. Brizard prononça un discours où l’on a reconnu la manière d’un philosophe illustre[2], qu’une amitié tendre et constante unissait à M. de Voltaire, et qui a longtemps fait cause commune avec lui contre les ennemis de l’humanité. La Grèce a cultivé à la fois tous les arts et toutes les sciences ; mais la première représentation de l’Œdipe à Colone ne fut point annoncée par un discours de Platon.

  1. C'est probablement d’Agathocle que Voltaire parle à d'Argental, dans sa lettre du 27 juin 1777. Cette tragédie fut jouée à Ferney en septembre de la même année, comme on le voit par la lettre à Saurin, du 20 septembre. Mais l'auteur se proposait d'y faire de nombreuses corrections: après sa mort, ses amis en firent; et Mme Denis, en envoyant le manuscrit aux Comédiens, demanda qu'Agathocle fût joué pour l'anniversaire de la mort de son oncle; Voltaire était mort le 30 mai 1778 entre onze heures du soir et minuit: et c'est sans doute parce que le 30 mai 1779 était le dimanche, jour de la Trinité, que la première représentation d’Agathocle ne fut donnée que le 31 mai. (B.)
  2. M. d’Alembert.